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5 décembre 2024

Les médias, pointe avancée du néolibéralisme


Les médias, pointe avancée du néolibéralisme

par Laurent Herblay – mardi 3 novembre 2015

Bien des alternatifs sont très sévères à l’égard de ces médias trop uniformes et fermés à certains débats pourtant légitimes (euro, protectionnisme, liberté de parole). Certains y voient une manipulation et un grand dessein totalement conscient. Et s’il s’agissait d’une conséquence et non d’une cause ?
De la condition de journaliste

En effet, le monde des médias est loin d’être le plus tendre. On peut penser qu’il est, malheureusement, en avance sur l’évolution de nos sociétés. Une petite poignée d’animateurs ou de journalistes stars gagnent des fortunes absolument colossales, quand une immense majorité, pourtant souvent très diplômée, travaille pour une bouchée de pain dans des conditions très précaires. Le salaire moyen des journalistes n’est sans doute pas assez élevé et très décalé avec le niveau d’étude, outre l’insécurité professionnelle et les conditions de travail, imposant parfois de travailler tôt, tard ou le week-end. La précarisation du salariat est plus avancée dans cette profession qu’ailleurs, malheureusement. La réforme du droit du travail et l’uberisation sont déjà une réalité pour bien des journalistes, qui travaillent en piges…

Pire, on peut imaginer que la situation s’est largement dégradée depuis quinze ans, avec le développement d’Internet, qui a fait un mal colossal au modèle d’affaire de bien des médias, au premier rang desquels toute la presse écrite, dont les recettes publicitaires ont été en bonne partie vampirisées par les géants d’Internet, notamment Google ou Facebook, qui tirent profit de leur travail en récupérant une bonne partie de leurs recettes. Les conséquences sont simples : des équipes toujours plus réduites, précarisées et mal payées, qui ont parfois du mal à faire autre chose que de la reprise de dépêches ou des comptes-rendus sans mise en perspective de faits divers, au détriment de l’analyse de fond qui devrait être la matière première de notre démocratie et se transforme parfois en produit insipide et léger.

Des conséquences sur le traitement de l’information

Les journalistes vivent aujourd’hui dans un monde de plus en plus inégal, où une poignée de très très riches côtoient une immense majorité de précaires mal payés, de plus en plus souvent détenus par des oligarques aux intentions pas toujours purement journalistiques. Beaucoup ont oublié l’idée de sécurité de l’emploi et des protections sociales, les hausses de salaires étant pour beaucoup un lointain souvenir. Faut-il alors être étonné du traitement incroyable de la question de la hausse du SMIC par le Monde, qui s’est aligné sur la ligne la plus dure du Medef, faisant passer bien des patrons, comme les Mulliez, pour des rêveurs presque marxistes qui dénoncent les dirigeants rémunérés à plus de 20 fois le SMIC ? Idem pour Uber, qui pourrait apparaître comme un gain de pouvoir d’achat dans l’ère du temps.

La logique néolibérale la plus extrême est devenue le quotidien des journalistes, avec sans doute quelques années d’avance sur le reste de la population, ce qui peut expliquer une forme de résignation à l’égard de certaines évolutions qui peuvent apparaître comme une forme pas totalement illégitime d’alignement sur leur condition. Cette marche en avant de la régression sociale, à laquelle ils n’adhèrent peut-être pas totalement ils la voient sans doute de manière assez résignée, d’autant plus que leur fond idéologique est souvent libéral-libertaire. Mais on peut aussi voir dans le fond culturel de bien des journalistes une conséquence de leur mode de vie, plongés qu’ils sont dans les eaux froides du grand bain néolibéral. Comment imaginer qu’une autre façon de faire est possible quand on vit ainsi ?

Il est donc largement une erreur d’incriminer les journalistes de manière parfois agressive quand on combat les idées néolibérales. Plus que d’autres, ils sont des victimes de ce système bien plus qu’ils n’en sont les architectes. Où il apparaît qu’il faut aussi réfléchir à la condition des médias.

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