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19 avril 2024

Éric Toussaint : « Le FMI promet aux peuples un avenir funeste »


Éric Toussaint : « Le FMI promet aux peuples un avenir funeste »

3 novembre par Alberto Ñiquen Guerra , Eric Toussaint

Le politologue s’est rendu récemment à Lima, où il a participé à une conférence au cours de laquelle il a analysé le rôle joué par l’organisme financier international en Amérique latine.

LIMA.- Éric Toussaint, docteur en sciences politiques, porte-parole du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM), membre du Conseil scientifique d’ATTAC France et coordinateur scientifique de la Commission d’audit de la dette grecque, a été l’un des premiers militants à se rendre à Lima (Pérou) pour participer à l’événement « Démentir le miracle péruvien » (Desmintiendo el milagro peruano). Cette manifestation, organisée par la Plateforme Alternative contre la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), s’est tenue au moment même où se réunissaient les Assemblées annuelles des deux institutions financières dans la capitale péruvienne.

Le quotidien espagnol Público est allé à la rencontre d’Éric Toussaint au Gran Hotel Bolívar, dans ce lieu emblématique de la République péruvienne construit en 1924 dans le centre historique de Lima, face à la Plaza San Martín. Lorsque sa venue a été confirmée, les principaux membres de la société civile ont diffusé ses articles et ils étaient nombreux à vouloir l’écouter. Comme prévu, Éric Toussaint n’a pas déçu.

Les citoyens péruviens et quelques latino-américains qui se sont donné rendez-vous au Gran Hotel Bolívar voulaient entendre quelqu’un dont l’expérience et l’autorité en la matière ne sont plus à démontrer, quelqu’un qui ne tienne pas un discours traditionnel, qui parle franchement du modèle économique latino-américain et qui révèle le vrai visage du FMI et de la BM, visage occulté par les médias.


Un modèle péruvien extractiviste qui ne profite qu’aux plus puissants

« Le modèle péruvien est extractiviste, il ne profite qu’aux plus puissants. Je crois que les Péruviens devraient être vigilants. La pauvreté et les inégalités sont toujours très présentes au Pérou et le panorama n’est pas différent dans d’autres pays d’Amérique latine. La question est : « existe-t-il un partage des richesses » ? » Ce modèle ne tient pas compte du droit des personnes », assure Éric Toussaint.

À Lima, le FMI a assuré qu’il avait évolué et que ses relations avec la région étaient aujourd’hui très bonnes. Éric Toussaint dément : « Le FMI n’a pas changé, l’institution est la même qu’avant. À partir des années 2003-2004, il a perdu de son influence en Amérique latine car les prix des matières premières ont permis aux pays de la région d’accroître suffisamment les recettes d’exportation pour rembourser de manière anticipée l’institution et s’émanciper ainsi de sa tutelle », explique Éric Toussaint, l’un des théoriciens les plus reconnus de l’écosocialisme. Il rajoute que si les Assemblées annuelles du Groupe BM et du FMI se tiennent à Lima, c’est parce que le Pérou est un allié des États-Unis.


Retour en force du FMI

Ces Assemblées « permettent de dégager deux constats : le premier, que le modèle néolibéral extractiviste est toujours d’actualité. Le second, que le FMI et la BM préparent leur retour en force en Amérique latine. En effet, les institutions financières estiment que la crise que provoquera la chute des cours des matières premières pour les pays exportateurs est une opportunité à saisir pour reprendre position et gagner en influence dans la région. Les Latino-américains ne doivent pas oublier les années 60, 70 et 80. », prévient-il.

Pour Éric Toussaint, qui revient de Grèce où il a travaillé en personne sur la dette publique du pays, il n’y a pas l’ombre d’un doute. Pire, bien que sous d’autres formes, ce qui s’est passé en Grèce lui rappelle l’Amérique latine. « Avec la crise économique en Grèce en 2010, le FMI a trouvé un moyen de revenir en force sur la scène européenne occidentale, au cœur de la zone euro, et à s’imposer face à des pays qui se croyaient immunisés contre le fonds. C’est ainsi que le FMI, de concert avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne, a imposé un ajustement structurel à des pays comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal et Chypre comme elle l’avait auparavant fait en Amérique latine et en Europe de l’Est. L’avenir du FMI s’inscrit en Europe et il promet d’être funeste pour les peuples européens. Les objectifs de l’institution sont aujourd’hui l’Espagne et l’Italie où elle a d’ailleurs cherché à participer à l’élaboration des politiques mises en œuvre dans ces pays. »

Ce que devrait faire le FMI, selon Éric Toussaint, c’est lutter contre la spéculation, contrôler les mouvements de capitaux et agir pour éradiquer les paradis fiscaux et la fraude fiscale.


La Banque mondiale finance des projets qui violent de façon flagrante les droits humains

En ce qui concerne la Banque mondiale, il réitère que la politique productiviste qu’elle mène est désastreuse pour les peuples et néfaste pour la nature. « La Banque mondiale finance des projets qui violent de façon flagrante les droits humains », conclue-t-il avant de rajouter : « Ces deux institutions devraient rendre des comptes devant la justice des pays où elles ont agi. »

L’intellectuel et militant belge se demande : « Que faire, alors, si les gouvernements se laissent entraîner par les politiques que cherche à imposer le FMI ? » Il répond avec lucidité : « La société civile doit délégitimer la politique économique du FMI, montrer à l’opinion publique son rôle despotique et funeste et, à travers la mobilisation, exiger et obtenir des gouvernements qu’ils rompent les relations de dépendance. »

Traduit par Maïté Guillard, relu par Virginie de Romanet.

 

Source : Público

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