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24 avril 2024

La lettre au Président Bouteflika.


La lettre au Président Bouteflika.

Par Mohamed Bouhamidi

In Impact24 le 08.11.2015 22:30

La réalité des grands tournants politiques se manifeste souvent dans des détails.

L’un d’eux nous vient du Salon du Livre.

Transformé en une manifestation envahissante de pub pour sa politique de son invité d’honneur, la France, ancienne puissance coloniale.

Du jamais vu, même avec les USA, en 2014.

On a retenu sous douane, jusqu’à la veille de la clôture, vingt exemplaires d’un livre sur la vie de Mahmoud Latrèche, algérien né au Moyen- Orient, militant des partis communistes de Palestine et du Liban, une grande figure du mouvement de libération arabe et de la libération sociale.

Cette censure pas du tout accidentelle et totalement passée sous silence, a conféré, à mes yeux, à la lettre des dix-neuf personnalités algériennes une allure d’incohérence dans son reproche-clé d’abandon du «droit de préemption» de l’Etat dans les cas de revente des entreprises économiques de droit algérien.

Les gouvernements successifs ont concédé au FMI, aux experts étrangers, à l’Union européenne et singulièrement la France, le «droit de préemption» sur les choix culturels, économiques, voire politique de l’administration algérienne.

La crise vient juste de démontrer l’artifice pour l’égo de ce droit de préemption pour un Etat bridé par ces institutions du capitalisme mondialisé et financiarisé.

Dans la tête de ceux qui ont décidé de nous mettre dans le maillage de cet ordre mondial du capitalisme, la seule issue aux problèmes créés par cette orientation, c’est encore plus d’insertion et donc plus de mondialisation et moins de «national». Plus d’espoirs illusoires d’IDE et encore moins d’Etat dans l’économie, le social, le culturel et, donc, dans le politique.

L’abandon du droit de préemption n’est pas un revirement ou une trahison des actuels responsables. Il est l’aboutissement logique du choix fondamental d’une insertion sans réserve dans l’économie de marché, accomplie par l’accord d’association avec l’UE. Il suffisait juste que les circonstances et la crise agissent pour provoquer la poussée de cette logique et montrent que certaines composantes du pouvoir croyaient à un droit de leur «préemption privée» alors que pour d’autres, il ne s’agissait que d’une concession en attendant un autre rapport de forces.

Mais cette insertion et ces accords ne pouvaient se réaliser sans entraîner des changements au sein de la structure de l’économie, du commerce, de la prééminence de la loi du profit personnel et, donc, de la contradiction entre le caractère social de source d’enrichissement qu’est le pétrole et le caractère de plus en plus privé de son accaparement.

Faut-il des signes pour le comprendre? Avec l’argent de tous les citoyens, le gouvernement subventionne le mazout importé pour permettre aux concessionnaires de vendre leurs voitures. Avec le même argent, il leur construit des autoroutes et des réseaux superflus avec moins de voitures et plus de transports publics modernes et confortables. Il dépense plus d’argent en bitumes.

Notre ministre du Commerce vient d’annoncer que 30% des valeurs d’importation sont transférés illégalement (1), soit près de dix-huit milliards de dollars par an, faites le calcul sur les 10, 15 dernières années.

La crise a changé le rapport de force. Elle a entraîné la défaite devant les artisans de la mondialisation sans complexe et sans réserve des partisans du droit de préemption au profit d’opérateurs algériens, entendus opérateurs privés et publics mais entendus surtout privés avec la mobilisation de l’argent public, et la défaite des forces qui les soutenaient au sein de l’administration.

Cette lettre laisse entendre qu’il y a eu rupture d’un contrat garanti par le Président Bouteflika entre les deux courants, et les signataires lui font appel pour assumer son engagement de patriarche soucieux des intérêts de tous les membres du clan.

C’est croire que les tournants politiques relèvent du simple arbitraire d’un démiurge, fût-il le Président Bouteflika, et non des logiques implacables induites par les rapports de forces et par le choix de se placer dans l’ordre impérial du monde.

Non, vraiment, un livre sur la vie de Mahmoud Latrèche ne pouvait que faire tache.

M.B.

source : http://www.impact24.info/la-lettre-au-president-bouteflika/

P.S j’ai commis une erreur de calcul dans la chronique publié sur Impact24. 30% de 60 milliards de dollars d’importations par an ce lait 18 milliards de dollars de détroussements, fuites de capitaux et surfacturation.

j’espère que l’on pourra corriger sur Impact24.

annexe : Biographie de Mahmoud Latrèche établie par Abderrahim Taleb Bendiab.

  • 1903 Naissance à Jérusalem (Palestine) d’une famille algérienne émigrée qui a fui l’occupation coloniale.
  • A créé à Haifa en 1917 le premier syndicat des ouvriers du bâtiment.
  • En 1926, il adhère au Parti Communiste Palestinien (PCP).
  • 1927-1930 il suit ses études à l’École d’Orient de Moscou.
  • 1930 Membre du Bureau Politique du PCP.
  • 1930-1931 Arrêté par les autorités britanniques de Palestine. Il est condamné à deux ans de prison.
  • 1933 Membre du BP du Parti Communiste Syro–Libanais. Il est en outre chargé de réorganiser le Parti Communiste Egyptien et de mettre en place le Parti Communiste Irakien.
  • 1935 Arrêté par les autorités françaises à Damas.
  • 1935 août : Le VIIe Congrès de l’Internationale Communiste (IC) qui tient son Congrès à Moscou, le désigne comme membre de son Comité Exécutif.
  • 1938 Se déplace en mission à Paris. Il est arrêté par les autorités françaises.
  • Après sa libération l’IC, le désigne pour aller en Algérie où il est arrêté en 1939.
  • 1943-1946 il est responsable à Alger du syndicat des ouvriers du bâtiment.
  • 1946-1955 il est membre du comité de rédaction de l’organe central du PCA en langue nationale « Al Djazair El Djadida ».
  • Il est arrêté pendant la guerre de Libération Nationale.
  • 1962-1965 membre du Comité de rédaction de l’organe central de l’UGTA. « Révolution et Travail » ;
  • A partir de 1968 il fait un long séjour à Berlin, capitale de la RDA où il rédige ses mémoires : « Les chemins de la lutte ».
  • En 1974 il retourne à Alger où il passe les dernières années de sa vie : suivant de très près le mouvement progressiste dans les pays arabes.
  • 1981 février : mort de Mahmoud Latrèche. Il est enterré au cimetière d’El Kettar à Alger.
Tag(s) : #-Algérie, #-Politique, #–polémiques algériennes
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