L’on parle moins de la Syrie depuis quelques jours. Il faut pourtant se méfier de l’eau qui dort… Deux nouvelles, passées à peu près inaperçues, sont potentiellement explosives et susceptibles de provoquer une dangereuse escalade moyen-orientale. Nous n’avons jamais sur ce blog joué la carte du sensationnalisme, qui cadre mal avec l’analyse géopolitique. Pourtant, ce qui est en train de se passer donne des signaux peu rassurants.

La bande saoudo-turco-américaine a décidé d’augmenter les envois d’armement à destination des terroristes « modérés » syriens. Nous nous demandions il y a trois semaines à quoi jouaient les Etats-Unis. Réponse : au pompier-pyromane. Que faisait donc Kerry à Vienne il y a quelques jours ? Plus grave : il est maintenant question de fournir à des « rebelles sélectionnés » (LOL) des armes anti-aériennes, évidemment dirigées contre les avions russes. Quand on sait que les quelques groupes rebelles modérés qui restent encore en Syrie se font piquer leur armement par Al Qaeda ou l’EI, quand ils ne passent carrément pas avec armes et bagages dans les groupes islamistes, cela n’augure rien de bon…

Réponse du berger à la bergère ? Un avion russe a défié l’interdiction de survol du Yémen décrétée par la coalition saoudienne pour se poser sur l’aéroport de Sanaa, la capitale aux mains des rebelles chiites houthis. Officiellement, il est chargé d’aide humanitaire, mais on a vu dans le Donbass et en Syrie ce que peut être l’aide humanitaire russe. Quelques missiles anti-aériens – tiens tiens, les mêmes que ceux que Riyad veut donner aux rebelles syriens – sont si vite cachés parmi les caisses de médicaments… Pour chaque avion russe abattu en Syrie, un avion saoudien abattu au Yémen ?

Aucun des deux camps ne veut désormais reculer et chacun est prêt à répondre du tac au tac. A ce petit jeu dangereux, Poutine a plus d’atouts que ses adversaires, pouvant franchir le Rubicon et armer les Kurdes contre les Turcs ou apporter une véritable aide militaire aux Houthis. Mais les derniers développements ne sont guère pour rassurer, que ce soit au Moyen-Orient ou à l’échelle mondiale. Et ce qui se passe en mer de Chine méridionale ne viendra pas le contredire. Aux dernières nouvelles, un sous-marin chinois a suivi pendant des heures un porte-avion US…

Les trois Grands ont passé la vitesse supérieure, les Etats-Unis pour tenter d’enrayer leur déclin, la Russie et la Chine pour l’accélérer. A Washington, la possibilité certes virtuelle d’une troisième guerre mondiale – contre la Russie ou la Chine, ou les deux – n’est d’ailleurs plus tout à fait taboue.

source: http://www.chroniquesdugrandjeu.com/