Par K.D.W.
Une lutte s’entretient comme un feu sacré. Pour ce faire, la précédente génération se doit de transmettre le flambeau et la mémoire qui va avec, à la génération héritière qui la succède. Une lutte est une réponse, une réponse à une agression. Et pour qu’une lutte perdure, celle-ci doit s’adapter aux contextes et aux formes variées de l’agression. Mais une lutte ne s’arrête pas. En tout cas, pas avant d’avoir eu raison de l’agression. La lutte en Afrique ne connaît pas de relais. Lorsque tombe le porteur de flambeau, l’action et l’ardeur tombent avec lui. Tandis que sa mémoire se perd dans les méandres d’une agressivité encore plus intense. Parce que l’objectif de l’agresseur étant de créer l’effroi dans le cœur du potentiel porteur du flambeau à léguer et de reléguer son courage au sein de l’utopie et de l’absurde.
C’est ce qui est arrivé depuis quelques décennies aux générations africaines post-indépendance. Ces cinquante dernières années sont, en effet, progressivement marquées d’une part par l’affinement de la stratégie de l’agresseur, et d’autre part par le renoncement et la renonciation des jeunes africains. Si le système colonial porte, d’emblée, un masque humaniste pour cacher son vrai visage, s’il avance ainsi masqué en brandissant des concepts tels que mondialisation, intégration, coopération, démocratie, etc., il n’en demeure pas moins qu’il poursuit sa politique d’exploitation des richesses et d’aliénation des peuples. Le travail se révèle facile pour lui, d’autant plus qu’il a face à lui une génération assimilée qui ne fait pas figure d’adversaire, une génération volontairement acquise à sa cause, une génération acculturée qui, loin d’avoir reçu un héritage de lutte, a plutôt été abreuvée à la source de ses aînés aliénés et résignés.
Combien d’entre eux connaissent l’histoire de l’Afrique ? Combien ont entendu parler des résistances ? Qui sait qui est Mamadou Lamine Dramé, ou Cheikh Anta Diop ? Qui a déjà prononcé les noms illustres tels que Modibo Keita, Sékou Touré, Amilcar Cabral, Menelik, Um Nyobé, Antar, Kwame Nkrumah Barthélémy Boganda, Simon Kimbangu, Marien Ngouabi, Patrice Lumumba, Jomo Kenyatta, Steve Biko, Sylvanus Olympio, Béhanzin, Julius Nyerere, Tomas Sankara, Samora Machel, etc.? Qui d’entre eux connaît Aline Sitoye Diatta, Sarraounia, Kimpa Vita, Kandaka ou les innombrables reines et princesses africaines ? Très peu! Et par conséquent, il ne saurait y avoir continuité dans la lutte comme en Amérique et ailleurs parmi la Dispercité (la Cité Dispersée D’Osiris, soit les Noirs à travers le monde). Les esprits se réservent dès lors d’autres centres d’intérêt: le paraître et la fête. Or sans la mémoire et la culture du patriotisme, il serait difficile de maintenir la lutte jusqu’à bâtir à nouveau l’Afrique sur la base des principes propres au monde africain. Alors jeunes gens et jeunes filles d’Afrique, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
K.D.W.