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19 avril 2024

La sale guerre du président Erdogan


Djamal Benmerad

La sale guerre du président Erdogan

vendredi 27 novembre 2015

Le 20 juillet, plus de 30 citoyens turcs pour la plupart membre de la communauté kurde succombaient dans un attentat attribué à Daech dans la ville de Suruç. En réponse, la Turquie déclarait la guerre auX terrorismeS, c’est-à-dire simultanément à Daech et au PKK, mettant à égalité les commanditaires de l’attentat et ses victimes. Quelques semaines plus tard, la réalité des faits montre que l’immense majorité des attaques se portent en réalité sur le PKK et non sur Daech. La Turquie est attaquée sur son sol par Daech et en réponse, la Turquie attaque les Kurdes, c’est-à-dire ceux qui résistent le mieux et même remportent des victoires contre Daech. Cherchez l’erreur…

L’erreur, c’est bien sûr que Daech est l’allié objectif de la Turquie. Et qu’au-delà des paroles de circonstances, le président Erdogan n’est pas plus attristé que cela de la mort de certains de ses compatriotes, s’ils sont socialistes ou kurdes.

Le double-jeu de la Turquie est dénoncé depuis longtemps. Jusqu’à l’attentat, la Turquie refusait en effet d’autoriser la coalition emmenée par les USA à utiliser ses bases militaires pour bombarder Daech. Mais surtout, de nombreux témoignages concordants affirment que les services secrets turcs soutenaient Daech : services secrets pris « la main dans le sac » en train de livrer du matériel (des armes ?) à Daech ; attaques de Daech sur les positions kurdes depuis le sol turc, refus de l’armée turc de laisser les kurdes de Turquie entrer sur le territoire syrien pour défendre Kobane…

Les ennemis du président turc, ce sont en effet d’abord les autonomistes kurdes du PKK et ensuite le gouvernement de Bachar Al-Assad. Pour les autorités turcs, la pire menace n’est pas l’installation d’un « califat » extrémiste à ses frontières, mais l’installation d’une zone autonome kurde qui donnerait des espoirs à sa propre minorité kurde, ou la survie du régime dictatorial de Bachar Al-Assad.

Par ailleurs, le gouvernement turc fait face à une grave crise politique : Les dernières élections législatives lui ont fait perdre sa majorité absolue au parlement, tandis que le HDP, parti de gauche dirigé par un Kurde a fait une percée spectaculaire et inattendue. Erdogan est contraint à des élections anticipées en novembre. Tenter de ressouder sa population autour de lui dans une guerre, face à un ennemi intérieur, délégitimer un parti rival en pleine progression pour son soutien supposé aux « terroristes » est une stratégie politique vieille comme le monde.

Alors, selon le principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », pour combattre le PKK et Bachar Al-Assad soutient Daech autant qu’il le peut.

On peut aussi s’interroger sur le jeu trouble des puissances occidentales, engagées dans la guerre contre Daech. Les USA bombardent Daech mais tolèrent qu’un membre de l’OTAN soutienne en sous-main ceux qu’ils bombardent. De même, après avoir soutenu (un peu) les Kurdes de Kobane face à Daech, ils ne condamnent pas les attaques de la Turquie contre les Kurdes du PKK.

Dans cette région du monde, sans être parfait, le peuple Kurde est pourtant l’un des rares motifs d’espoir, alors que la rébellion syrienne « modérée » semble pratiquement rayée du jeu politique et militaire. Les Kurdes représentent une force laïque, démocratique, promouvant l’égalité homme-femme et sur le terrain militaire sont parmi les rares à enregistrer des succès contre Daech. Ils mériteraient d’être soutenus à bout de bras. Mais qu’ont-ils donc pour déplaire à ce point à l’occident ? Ah oui, ils ont le malheur d’être marxistes…

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