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2 mai 2024

Edgar Morin, le galopin communeux


La télévision française nous a offert une grande émission d’une rare qualité : quatre-vingt-dix minutes avec l’éminent penseur-sociologue Edgar Morin ; il va être centenaire le 8 juillet prochain et fait preuve d’une superbe vitalité…un programme vu par 446 000 téléspectateurs (2,1 % de l’ audience nationale)…

..Edgar Nahoum, dit Edgar Morin, a été intelligemment interviewé par François Busnel dans le cadre de son émission « La grande librairie » et cette prestation incomparable est arrivée à point nommé comme un grand éclair salvateur pour nous extirper de cet immonde cloaque où nous survivons depuis l’irruption de la pandémie.

Prenant vigoureusement position contre cette « survie » à laquelle nous sommes réduits, le futur centenaire s’est déclaré un amoureux et un militant de la vie, qu’il érige en valeur suprême, à l’instar du philosophe-historien Raoul Vaneigem.

Mais ce n’est pas le seul point commun entre les deux hommes, même s’il s’agit d’un point essentiel. Ils sont tous les deux les grands promoteurs d’une restauration de l’humanisme social et du communisme libertaire car ils ont conservé la nostalgie de leurs convictions de jeunesse, qui ont été détournées et trahies par le stalinisme…

D’ailleurs si Vaneigem espère que « la liberté enfin s’éveillera au souffle de la vie », Morin redoute la montée de l’autocratie et de la surveillance policière, et il souhaite qu’une prise de conscience collective nous épargne ce fléau de la renaissance de « la bête immonde ».

Edgar Morin est non seulement un lanceur d’alerte, mais il est surtout un passeur d’espérance…

L’oeuvre considérable de ce philosophe-sociologue (environ 60 ouvrages) s’articule autour de La méthode où il tente d’appréhender la complexité du monde, qu’il s’efforce d’analyser malgré le choc inévitable de ses contradictions…

Je suis personnellement entré dans son univers mental avec son essai (remarquable), intitulé « Le cinéma ou l’homme imaginaire », qui figurait au programme de l’enseignement de l’IDHEC. Puis, j’ai beaucoup apprécié sa collaboration avec Jean Rouch pour « Chronique d’un été ».

Edgar Morin n’a été ni situationnistes ni associé à « Socialisme ou barbarie ». Cela ne l’a nullement empêché, avec Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, de co-signer « La Brèche », l’un des meilleurs livres sur Mai 68. Il nous permet ainsi de jouir de la caresse du « Zéphyr au gai menton », le souffle libertaire de la « Commune étudiante »…

Ayant abandonné la problématique bolchevique, il a su renouer avec le fil communeux, celui d’Arthur Arnould et celui d’Elisée Reclus, et il nous restitue aujourd’hui le grand message humaniste et fraternel qui a été exterminé par les Versaillais il y a cent-cinquante ans.

Avec Edgar Morin l’imagination pourrait enfin accéder au pouvoir : sous les pavés, la vie !

Il ranime la flamme du Fédéré inconnu.

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