Par Nasma Réda (revue de presse : Al Ahram Hebdo – 4/9-3-22)*
Le célèbre égyptologue Zahi Hawas fait le point sur différentes phases de sa vie professionnelle et souligne l’importance des festivités organisées pour la promotion du tourisme en Egypte. Entretien.
Al-Ahram Hebdo : Dans votre nouvel ouvrage, Al-Hares (le gardien), vous avez mentionné plusieurs stations de votre vie. Quelle est la plus remarquable ?
Zahi Hawas: Chaque partie de mon livre retrace d’une façon détaillée une phase importante dans ma vie. Par cet ouvrage, j’ai voulu montrer aux nouvelles générations comment un élève aussi paresseux que moi peut un jour devenir célèbre comme les stars du cinéma. J’ai raconté aussi mon expérience quand j’étais à la tête du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et ministre des Antiquités. J’ai de même parlé des importantes découvertes que j’avais réalisées, en plus des 6 000 pièces que j’ai réussi à restituer, ainsi que les 22 musées que j’ai commencé à ériger sans pouvoir les inaugurer tous, comme celui des crocodiles à Kom Ombo ou celui du Canal de Suez.
─ Pourquoi avez-vous abandonné vos travaux de fouille à la Nouvelle Vallée? Et où êtes-vous actuellement des fouilles au Plateau des pyramides ?
─ Je me contente de mes travaux à la Nouvelle Vallée, et il suffit la remarquable découverte des momies dorées. J’ai consacré une grande partie de ma vie à fouiller le Plateau des pyramides et j’ai rédigé plusieurs livres sur les cimetières des ouvriers, les bâtisseurs des pyramides et leur village. Et voilà que depuis quelques années, je me suis orienté vers la région de Saqqara, où j’ai fait de splendides découvertes comme celles de la pyramide de la mère du roi Téti (VIe dynastie), d’un temple funéraire de la reine Naerit, épouse du roi Téti, et dans quelques jours, on va annoncer une grande découverte à Guesr Al-Modir, connu sous le nom de la Grande Enceinte. Je dirige, de même, différentes missions archéologiques dont une à Louqsor, où l’on a découvert le reste de la cité dorée perdue, ainsi que la mission fouillant la tombe de Ramsès II à la recherche des tombes royales.
─ Saqqara est devenue actuellement une région archéologique célèbre par ses découvertes. Elle n’est plus la nécropole de l’Ancien Empire ?
─ Chaque mètre carré dans la nécropole de Saqqara renferme des trésors incomparables. Bien que ce site archéologique soit connu par ses pyramides et tombes de l’Ancien Empire, surtout celles des IIIe, IVe et Ve dynasties, l’on y a découvert des trésors beaucoup plus anciens de la Ire dynastie et d’autres du Nouvel Empire et qui datent même jusqu’à la fin de l’époque romaine. C’est un site très riche.
─ Où êtes-vous de votre rêve éternel de découvrir la tombe de Néfertiti ?
─ Je fouille de plus en plus pour la trouver. Car je crois que Néfertiti a régné après la mort de son mari, le roi Akhenaton, et elle a changé son nom pour devenir Sémenkarê. D’après les nouvelles découvertes dans la Cité dorée, on a constaté qu’elle avait pris le nom de « l’éclat d’Aton », qui est le nom du palais à Malqata et du roi Amenhotep III. J’ai déduit alors qu’Aton était Amenhotep III, père d’Akhenaton.
─ Et qu’en est-il donc de la possibilité de récupérer la tête de Néfertiti du Musée de Berlin ?
─ Je prépare actuellement un dossier complet sur cette affaire, montrant comment cette pièce unique est sortie illégalement du pays. Ce dossier sera signé par les intellectuels du pays, en plus de personnalités de renom afin de montrer notre droit de récupérer la tête de Néfertiti ; ensuite, on luttera également pour récupérer la Pierre de Rosette et le zodiaque du temple de Dendera.
─ L’année 2021 a été marquée par différentes festivités : la Parade des momies royales et l’inauguration de l’Allée des béliers. Est-ce que ces cérémonies sont en faveur du secteur du tourisme ?
─ Bien sûr, ces festivités ont eu un impact très positif sur le tourisme. Les regards du monde se sont tournés vers l’Egypte. Le ministère du Tourisme et des Antiquités a bien profité de ces événements pour la promotion touristique.
─ Verra-t-on donc de nouvelles célébrations cette année ?
─ 2022 sera remarquable aussi par ses festivités, puisqu’on célèbre le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes. Je crois que ces célébrations seront organisées entre la France et l’Egypte. Mais les grands événements restent ceux du centenaire de la découverte de la tombe de Toutankhamon et l’inauguration du Grand Musée égyptien (GEM). J’estime que le centenaire de la découverte de la tombe du jeune roi est le plus important événement de 2022. On prépare une grande conférence scientifique le 4 novembre prochain à Louqsor qui regroupera des scientifiques de tous les pays du monde pour présenter des papiers sur tous les détails de Toutankhamon. A part le côté scientifique, on pense organiser une festivité à Al-Deir Al-Bahari avec une parade similaire à celle de l’Allée des béliers au cours de laquelle l’opéra Toutankhamon que j’ai rédigé sera joué.
─ De quoi s’agit-il ?
─ C’est une tentative de ma part de raconter l’histoire de façon attirante. Cet opéra raconte le conflit avec les Kouchites qui cherchaient à conquérir l’Egypte. Dans cet opéra, je m’imagine que lors de la naissance du jeune Toutankhamon, les Kouchites voulaient se venger de son père et tuer l’enfant. Mais leurs tentatives ont échoué et l’enfant a pu les conquérir et est devenu roi. Ici, j’ai montré que le peuple kouchite n’était pas originaire d’Egypte, mais est venu du Sud-Soudan et a régné sur l’Egypte seulement pendant la XXVe dynastie pharaonique. J’ai écrit cet opéra en anglais, puis il a été traduit en italien et tous les musiciens, l’orchestre et les acteurs sont des Italiens et on réfléchit à y adhérer des Egyptiens.
─ Que dites-vous alors du GEM, surtout que vous faites partie de son organisme ?
─ Le GEM sera le plus grand et le plus important musée du monde entier. Il abritera, en plus des deux grandes galeries conservant les 5000 pièces de la collection de Toutankhamon, trois autres qui renfermeront également des pièces uniques. Il y aura aussi un musée à part pour les barques solaires de Khéops, un musée pour enfants, des cinémas et autres. C’est en fait non seulement une association culturelle immense pour conserver et présenter les monuments, mais en plus un centre de culture et d’apprentissage. Toute la région entourant le GEM, depuis l’hôtel Mena House, sera au service du musée. Avec le nouvel aéroport international « Sphinx », le touriste peut passer une semaine à Guiza.
─ Est-ce possible de transférer la momie du jeune roi de sa tombe à Louqsor pour l’exposer au GEM ?
─ Cette affaire est discutée au ministère du Tourisme et des Antiquités et c’est à lui de décider. Quant à moi, je suis pour ce transfert afin que la momie ait plus de soins et enrichisse la muséologie.
─ Avec le transfert de toute la collection de Toutankhamon du Musée égyptien au GEM et des momies royales au Musée national de la civilisation égyptienne (NMEC), le musée de la place Tahrir prend-il un pas en arrière ?
─ Jamais. Le Musée égyptien est célèbre au monde entier par son édifice antique, ses vitrines et par sa collection variée qui raconte l’histoire de l’art égyptien antique à travers les époques, de l’Egypte Ancienne jusqu’à l’ère romaine. Il restera l’orientation principale des touristes, car il renfermera des trésors équivalant aux collections transférées, telles que les splendides collections de Tanis, Yoya et Toya, ainsi que d’autres.
─ Concernant les études des momies royales, y a-t-il du nouveau ?
─ Avec mon équipe, j’ai presque terminé les études de toutes les momies royales. Par le CT scan et l’ADN, on a pu découvrir de nouveaux secrets sur les rois et reines. Par exemple, on a découvert que Ramsès V est mort atteint de variole, et Seqenenrê Tâa est mort par sept coups mortels au visage.
─ Etes-vous satisfait par l’inauguration partielle du NMEC ?
─ J’aurais préféré une inauguration complète du musée, mais par manque de financement, le ministère n’a pu inaugurer que deux principales salles seulement, j’espère que d’autres seront ouvertes dans les mois prochains.
─ Croyez-vous que les pyramides cachent encore des secrets ?
─ Sans aucun doute. Chaque jour, on dévoile de nouveaux secrets. En tant que membre du comité scientifique responsable du projet Scan-Pyramids, j’attends son deuxième rapport qui expliquera le vide apparu au sein de la grande pyramide. En outre, la maison d’édition Nahdet Masr publiera bientôt mon encyclopédie en huit volumes, où je regroupe toutes les études, fouilles et recherches faites dans la région des pyramides pour qu’elles soient entre les mains des étudiants, chercheurs et intéressés de cet important édifice énigmatique. A savoir que la dernière référence pour les étudiants sur la région est un ancien ouvrage d’Ahmad Fakhri qui date de 1963.
*Source : Al Ahram Hebdo