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19 décembre 2024

Macron et le scandale des « Conseils »


 

MACRON ET LE SCANDALE DES « CONSEILS »

par Robert Bibeau

A deux semaines  du premier tour d’une élection présidentielle transformé en un concours de fureur de guerre, le « scandale des consultants » semble être consolidé comme le grand enjeu de la campagne. Le 17 mars, le Sénat Français a publié un rapport dénonçant le recours massif à des consultants – notamment l’américain McKinsey – durant les 5 années de gouvernement Macron.

Table des matières

·        Qu’est-ce que le scandale du conseil ?

·        Où est la lutte des classes ?

·        Pourquoi cette lutte de pouvoir apparaît-elle politiquement comme un scandale ?

·        Cela aura-t-il un impact électoral?

·        Qu’est-ce que cela signifie pour les travailleurs?

Qu’est-ce que le scandale du conseil ?

Caricature du Monde sur le scandale du conseil

Ce que révèle le rapport du Sénat, c’est l’existence d’une gigantesque machine qui facturait jusqu’à 1 000 millions d’euros par anfusionna ses cadres dans la structure hiérarchique des institutions, façonna les politiques de l’État à travers plus de 1 600 « missions » et, pour s’opposer davantage à « l’esprit républicain », évita de payer des impôts sur ce qui était collecté.

Mais l’évasion fiscale n’est que la touche finale d’un cercueil cloué de déchets. Deux exemples du travail de McKinsey :

  • Le Fonds national d’assurance vieillesse (CRAV) a chargé le cabinet de conseil américain d’orienter son « adaptation » à la réforme des retraites que le gouvernement Macron promouvait. Résultat : 957 000 € pour un PowerPoint et un carnet de 50 pages qui n’ont jamais été mis en œuvre (Dieu merci !).
  • La campagne de vaccination Covid Français… ce « succès ».

Où est la lutte des classes ?

Macron avec des Normands locaux élus dans le « grand débat national » dont les propositions ont conduit à une attaque directe contre la bureaucratie d’État.

Le scandale des cabinets de conseil cache un cadavre exquis : celui de la bureaucratie d’État Français, déplacée et acculée par les chiots des écoles de commerce comme Toulusse, qui a remporté le prix Nobel d’économie à la barre, a participé à la piñata des budgets publics sous l’égide de McKinsey.

Pour les bureaucrates, ce n’est pas la première attaque contre Macron. En commençant par les gilets jaunes, le président avait tenté de réorienter la colère plébéienne de la petite bourgeoisie contre eux. Et en fait, il a présenté la fermeture des « lycées » et des « organismes nationaux » – centres de reproduction de la bureaucratie d’État – comme une concession « démocratique » aux manifestations.

Macron est « l’idole des consultants » – dont il a tiré une grande partie des emplois rémunérés par l’État – parce qu’il représente l’assaut de l’État par la bourgeoisie patronale, son programme et ses méthodes.

Une norme de gestion précaire fabriquée dans les écoles de commerce que les travailleurs connaissent bien et même l’académie commence à tabuler: « flexibiliser » les contrats, les salaires, réduire les coûts et les qualités et gonfler les entreprises de manière responsable au prix de les affaiblir avec des dettes et « juste à temps ». Un modèle qui exige une couverture juridique de l’État pour ses projets précaires, ses contrats publics et la privatisation des services publics parmi les monopoles.

Ce n’est pas que les intérêts de la bureaucratie soient frontalement contraires à ceux de la bourgeoisie patronale, mais ils ne cesseront pas de se défendre lorsque tous ces libéraux monopolistiques s’exciteront et saperont leur propre pouvoir, affaiblissant la capacité de l’État à maintenir la cohésion sociale et à capturer ses niches.

En bref: nous sommes dans une bataille pour le contrôle des espaces de prise de décision dans l’État entre deux factions de la classe dirigeante. L’un des conservateurs naturels – la bureaucratie – voit son adversaire comme un gang imprudent capable dans ses « excès » d’éveiller le fantôme de la lutte des classes, comme c’est arrivé à Macron avec « les gilets ». Les autres, avec le président à la tête, y voient un obstacle, un obstacle d’un passé à surmonter pour consolider la « modernisation » (= recapitalisation) dont le capital national a besoin pour rester compétitif à l’échelle mondiale.

Pourquoi cette lutte de pouvoir apparaît-elle politiquement comme un scandale ?

Macron s’adresse aux Français pour les informer de l’enfermement général, sauf pour aller travailler, en mars 2020. La stratégie de vaccination ultérieure serait confiée au cabinet de conseil américain McKinsey.

L’ancienne bureaucratie Français s’affaiblit depuis vingt ans. L’histoire de son effondrement et le rôle de dynamiteurs que les socialistes et les néo-gaullistes ont joué dans le processus, a été glosé par une bonne collection de cinéma politique et quelques séries de très bonnes factures. Ce qui dénote qu’il ne cesse d’être un acteur présent et avec la capacité de générer l’idéologie à son service. C’est pourquoi, bien que relativement lente et paresseuse, la presse républicaine a déchaîné des coces contre Macron.

Tout d’abord, il y a eu le scandale de la privatisation des résidences: des bénéfices pour les fonds de capital de 30% basés sur le compadreo avec les politiciens qui ont assuré les revenus, une précarité sauvage des travailleurs et un abandon criminel des personnes âgées qui vivaient sous un régime de terreur et de misère alors que leur espérance de vie était immédiatement réduite lorsqu’elles entraient dans les centres. Un exemple classique des effets des politiques macronites. Mais pour la même raison relativement « dangereux » ou du moins inconfortable pour la bourgeoisie dans son ensemble. Le scandale a émergé mais l’État a reculé et tout s’est rapidement couvert. Ce n’est même pas une question électorale.

Mais avec les cabinets de conseil, c’est différent : nous ne parlons pas ici de dizaines de milliers de retraités de la classe ouvrière qui meurent tristement célèbres pour rentabiliser les fonds d’investissement – un « sacrifice » des plus acceptables pour eux comme nous l’avons vu dans le monde entier avec le Covid – mais de quelque chose de beaucoup plus « sensible » et important pour notre classe dirigeante : la solidité de l’État qui veille à ce que « les propriétaires de tout cela » gardent leurs entreprises incontestées et avec un soutien suffisant face à la concurrence.

La première attaque porte sur la qualité et la compétence des cabinets de conseil.

La direction interministérielle souligne à plusieurs reprises la « subalternité » des cabinets de conseil et le « manque de valeur ajoutée » des dirigeants qui apportent ces entreprises. Il est régulièrement contraint de repenser les prestataires, de demander le remplacement de certains consultants qui ne sont « pas à la hauteur » ou de « retravailler » des rapports de mission qui ne sont pas très utiles.

LES CONSULTANTS, UNE MACHINE AU CŒUR DE L’ÉTAT. LE MONDE

Mais il est clair que la question n’est pas seulement de savoir s’ils sont compétents ou non. C’est une question de pouvoir. Elle est politique et la bureaucratie la comprend parfaitement : elle perd la capacité de prescrire et de conditionner des décisions au profit d’agents avec un discours très cohérent dont les résultats la saperont encore plus. C’est quelque chose qui est explicitement souligné dans le rapport du Sénat.

La stratégie d’influence des consultants dans le débat public (think tanks, publications, etc.) transmet « une certaine vision de l’action publique », défendant souvent la réduction des dépenses et de la fiscalité. Le cabinet EY a proposé, en janvier, « d’imaginer un nouveau plan de transformation ambitieux pour les cinq prochaines années » qui permettrait, grâce au numérique, d’éliminer 150 000 postes de fonctionnaires. Lorsque les consultants conseillent l’État, ils proposent généralement plusieurs « arbitrables ». Mais la plupart du temps, ils priorisent certains d’entre eux, guidant ainsi la décision. Et la commission conclut qu’« une influence avérée des cabinets de conseil sur la prise de décision ».

LES CONSULTANTS, UNE MACHINE AU CŒUR DE L’ÉTAT. LE MONDE

L’assaut des consultants contre les centres névralgiques de l’appareil d’État est alors présenté comme un véritable coup d’État, une attaque contre la démocratie perjeñado par « l’élite technocratique » incarnée par Macron.

Pas seulement parce que nous parlons de sommes astronomiques, qui proviennent en double d’une administration dont nous ne savions pas qu’elle était en pénurie [de cadres]. Mais surtout parce que ce rapport met en lumière la profondeur de l’idéologie qui depuis quarante ans est ancrée dans l’appareil d’État des pays occidentaux et dépouille les citoyens de leur pouvoir de décision, une idéologie qui prend des noms à haute consonance pour mieux imposer : gouvernance, efficacité, « conformité ».

La technocratie néolibérale, dont Emmanuel Macron et ses différents gouvernements sont l’incarnation chimiquement pure, se caractérise par cette inflation de fournisseurs privés qui viennent, avec PowerPoint et diverses notes, expliquer comment l’État doit déréglementer les marchés et se dissocier de ses missions. Plus de technocratie et moins d’État.

L’OMNIPRÉSENCE DES CABINETS DE CONSEIL EST UN SCANDALE DÉMOCRATIQUE, ÉDITORIAL DE MARIANNE

Cela aura-t-il un impact électoral?

Enquête sur les candidats et les attentes en matière de pouvoir d’achat en cas de triomphe

 

Cette révolte de la bureaucratie contre l’empressement de la bourgeoisie patronale à éroder son pouvoir et à gagner des parcelles de prescription en s’installant – et en aspirant des rentes – au cœur de l’État, n’émerge pas aujourd’hui par hasard. Nous vivons les premiers pas d’une économie de guerre, un terrain où la bureaucratie se sent comme un retour à la maison et dans lequel, par définition, l’autonomie des chefs d’entreprise est réduite face aux besoins centralisateurs du capital national.

La bourgeoisie patronale, pour sa part, est nerveuse. Macron est l’un des siens, mais il n’est pas étranger au désenchantement d’une partie de la bourgeoisie classique qui, avec Bolloré – principal actionnaire de Vivendi – a tenté de catapulter son propre candidat : Zemmour, le champion des « boutades » de la petite bourgeoisie la plus en colère et la plus fermée. Le « scandale des consultants » le touche pleinement et le pousse à choisir entre perdre de l’importance ou doubler la mise, même s’il est sûrement déjà tard pour cela dans ces élections.

Il ne semble en aucun cas qu’il y aura un « tremblement de terre électoral ». Les médias ont fait leur travail consciencieusement pour distraire avec des exploits de guerre et du nationalisme l’humour de petits exploitants de plus en plus en colère. Les options qui représentent « la colère » de la petite bourgeoisie rattrapent à toute vitesse l’économie de guerre et le développement militariste en cours. Mais l’effet balsamique que les deux ont sur ces secteurs semble être capitalisé par Macron.

Ce n’est pas non plus qu’ils bouillonnent d’enthousiasme. Moins de 48 heures avant la cérémonie démocratique, ni Macron ni Le Pen ne peuvent convaincre ne serait-ce qu’un tiers des personnes interrogées que, si elles gagnent, elles amélioreront leur capacité d’accès à la consommation. 74% disent avoir perdu du pouvoir d’achat pendant le mandat de Macron. Ce chiffre ne tombe en dessous de 77% que chez les électeurs du parti instrumental du président (63%) et des Verts (64%), qui traînent les parties les plus aisées de la petite bourgeoisie patronale.

Qu’est-ce que cela signifie pour les travailleurs?

Mobilisations contre la réforme des retraites en 2020.

Du point de vue des intérêts des travailleurs, l’alternative entre la bourgeoisie patronale et la bureaucratie que l’on a essayé de représenter à partir du scandale des consultants a aussi peu à apporter que le duel Alien vs Predator.

Il est tout à fait évident que dans la bataille, il n’y a rien d’autre que deux secteurs de la classe dirigeante, deux classes bourgeoises, qui se font face pour des complots de pouvoir dans l’État.

Nous n’avons rien manqué dans ce combat. Et pourtant, il nous informe de ce qui est devant nous et de la façon dont fonctionne ce gigantesque concasseur dont les engrenages s’apprêtent à détruire de plus en plus de vies : récupérer le pouvoir de la bureaucratie ou « tertiariser » ses fonctions dans les cabinets de conseil et quel que soit le vainqueur de ces élections présidentielles, son objectif sera à nouveau placé dans les retraites, les salaires réels et les conditions d’embauche des travailleurs en France.

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Robert Bibeau | 2 avril 2022 à 9 h 04 min | Catégories : Invités | Adresse URL : https://les7duquebec.net/?p=271502

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