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26 décembre 2024

La «transition» et le «printemps» par Ahmed Halfaoui


http://www.lesdebats.com/editions/090812/les%20debats.htm

La «transition» et le «printemps»

Le premier problème qui se pose en Tunisie, comme en Egypte, où ce sont des mouvements populaires qui ont ébranlé les pouvoirs en place, réside dans le fait que le système économique et social que ces pouvoirs représentaient est resté intact. A aucun moment il n’y a eu de remises en cause fondamentales des rapports sociaux, responsables de la misère qui a conduit à la révolte. Le discours, qui a enveloppé les mobilisations de masse, se contentait de revendiquer, à leur place, la «démocratie» et la «liberté» (liberté de la presse, liberté d’association, élections…). Les dictateurs démis, la tâche a été déclarée accomplie. S’ensuivit une confusion qui associe le maintien, voire le renforcement du libéralisme, au retour de la justice sociale. Cela dans des pays exsangues et aux économies extraverties, soumises aux aléas du marché mondial, dominé, comme on le sait, par la logique du profit et du pillage des plus faibles. Comme si les travailleurs et les couches inférieures des pays capitalistes développés avaient automatiquement bénéficié des retombées de l’enrichissement des patrons. Comme si le moindre acquis n’a pas été arraché de haute lutte et comme s’il n’a pas fallu défendre pied à pied chacun de ces droits qui sont grignotés, aujourd’hui, sous couvert de la crise économique, de la «solidarité nationale» et d’une «répartition des pertes», sans répartition, bien sûr, des bénéfices.

Comme si le relatif bien-être dans ces pays ne devait rien aux soubresauts, aux révoltes, aux sacrifices et aux rapports de force qui ont contraint le patronat à se départir d’une part de ses profits, pour calmer les revendications. Nous voilà donc à nous interroger sur le sens des «victoires» tunisienne et égyptienne, tant elles ont profité à l’émergence des plus fervents partisans de la mise des économies sous tutelle du marché, au moment où ce marché procède à l’exclusion économique et sociale de dizaines de millions d’êtres humains, dans ces propres bases et à travers le monde, au moment où les victimes étatsuniennes du néolibéralisme s’attaquent à son temple, Wall-Street. En ces moments, les tuteurs immanents qui sont reçus en grande pompe se préoccupent au plus haut point de la «transition». Ce maître mot de Hillary Clinton est érigé en concept dont l’acception n’a pas besoin de long développement ni dans la presse mondialisée ni dans la bouche de ses promoteurs. Il intègre, en lui-même, un programme très clair. La «transition» n’a qu’un seul objectif à atteindre. En Egypte, les hommes politiques qui ont lancé un «Fonds pour la dignité et la fierté», contre l’aide des Etats-Unis, doivent avoir refusé une partie du deal ou des ordres qu’elle a donnés à ses alliés.

Les autres, tous les autres, qui ne doivent pas soupçonner, un instant, ce que signifie la visite et la réception de la dame, comprendront dans leur chair que les Frères n’ont pas d’autre religion terrestre que le service du diktat de l’argent. En Tunisie, le ton a été donné plus tôt, la «transition» est à l’œuvre, protégée des regards par les leurres qui focalisent l’attention et perturbent le discernement des enjeux qui se profilent. 

Par Ahmed Halfaoui 


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