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26 décembre 2024

Barack Obama ou « l’humanisme impérialiste »


Barack Obama ou « l’humanisme impérialiste »


L’élection comme président des Etats Unis d’Amérique de Barack Obama a suscité il y a quelques années plus d’illusions qu’aucune autre dans l’histoire depuis un siècle. Avec ce gentleman d’origine africaine à la Maison Blanche, nous disait-on, plus de racisme, plus d’inégalités sociales, fini les gendarmes du monde portant la mort et les tortures de l’Irak à la Somalie. Enfin le bien, les droits de l’homme, étaient au pouvoir à Washington. Passe encore que cette vague de rêves roses ait entraîné la majorité des citoyens nord américains qui aspiraient à se débarrasser du sinistre abruti nommé Bush, jugé responsable du désastre social ravageant les villes étasuniennes de Détroit à la Californie. Mais le même discours naïf nous abreuvait en France, où le Figaro et Libé s’unissaient pour pontifier : « Seul un Obama dans notre pays pourrait guérir la crise des banlieues… ».

Nous passions pour des sectaires attardés en disant qu’Obama, politicien roué, était certes plus avenant et intelligent que son prédécesseur, mais que le capitalisme régnait toujours aux USA et que l’impérialisme nord américain était toujours le prédateur en chef de l’Occident des états et multinationales exploitant le reste du monde et lui imposant leur diktat par la force des armes et de l’économie.

Quelques années après, la légende obamienne ne fait plus recette dans le monde, elle s’est heurtée à la réalité des faits. Aux Etats Unis d’Amérique du Nord, où la richesse explose à Manhattan ou Hollywood, e rêve américain se nomme plus qu’avant misère et sans abris, chômage et expulsions, drogue et criminalité dans les quartiers pauvres de New York ou de Los Angeles. La déception a été rude pour beaucoup d’électeurs d’Obama qui n’auront guère le choix qu’entre lui et un milliardaire mormon, pour lequel le remboursement des soins médicaux relève de l’utopie communiste : une nouvelle illustration de ce qu’on nomme en Occident, à Washington (et à Paris) la démocratie présidentielle… Plus évident encore, pour le reste du monde, est la démonstration que l’impérialisme américain est toujours là et que la présidence Obama n’a en rien diminué sa virulence, même si elle en a infléchi les contours.

Rappelons aux socialistes français en peau de lapin qui sont si contents de voir leur tout neuf président Hollande jouer les caniches empressés sur la photo du G20 auprès d’Obama, pour faire pièce aux méchants Merkel et Cameron, rappelons quelques vérités élémentaires :

*Les Etats Unis d’Amérique ont dominé l’économie mondiale au XXe siècle : ce règne est aujourd’hui ébranlé, ce qui accroit le danger, les réactions brutales de fauve blessé.

*Les USA de Bush et d’Obama demeurent la première puissance militaire au monde, avec des dépenses en ce domaine dépassant 40 % du total mondial. Ils sont présents sur tous les continents pour y imposer leurs objectifs, par des dizaines de bases terrestres, de sous-marins nucléaires et de porteavions, par leurs services secrets, CIA et autres, par leurs actes de guerre en Asie (Afghanistan, Pakistan) et au Moyen orient (Irak), en Afrique et Amérique chaque fois qu’ils le jugent possible et nécessaire.

*Ils dirigent l’OTAN, bras armé de l’impérialisme occidental qui réorganise par la force l’espace nord africain et moyen oriental selon ses objectifs, par la destruction des dirigeants rétifs à l’alignement sur Washington et la mise en place de remplaçants plus compréhensifs. A la différence de ses prédécesseurs, Obama préfère l’intervention armée de ses adjoints otaniens les plus motivés à l’engagement nord américain direct risqué et couteux : ce fut le cas de la guerre contre la Lybie ou les bombardiers de Sarkozy firent merveille comme les chassepots de Napoléon III au Mexique et en Italie il y a 150 ans ; ce sera peut être le cas bientôt en Syrie, grâce à l’action conjointe des Turcs, du Qatar, d’Arabie Saoudite et de la CIA : Hollande et Fabius sont ils prêts à les rejoindre dans cette aventure comme leurs propos le laissent entendre ? La mouvance progressiste française sera-t-elle assez déterminée, assez forte pour leur interdire cet alignement lamentable sur Obama qui tire dans tous les cas les ficelles ?

Hollande, en accord avec Obama et surtout désireux de répondre aux volontés de l’opinion, a annoncé le retrait des soldats français du théâtre de guerre afghan (où le PS les a envoyés, en accord avec l’UMP). Cela n’efface en rien les conséquences désastreuses de l’occupation de ce pays par les troupes occidentales, après celle de l’Irak. On déplore hypocritement les pertes parmi les occupants, occultant celles subies par les populations occupées. Faut-il rappeler cette comptabilité macabre telle que la soulignent certains spécialistes nord américains (J. Tirman, « the death of others : the fate of civilians in America’s wars » Oxford university press, 2011) : de 400 000 à 650 000 morts irakiens pour 4 475 soldats américains tombés en Irak de 2003 à 2011 ; au moins 100 000 afghan tués de 2001 à 2011 pour 1895 morts étasuniens en Afghanistan (et quelques 80 Français)… une autre comptabilité, plus difficile à mesurer, doit être mise en regard : cette décennie d’occupation occidentale, prétendument dirigée contre le terrorisme islamiste ne l’a éradiqué nulle part mais à au contraire transformé une bonne partie des peuples occupés d’Irak et d’Afghanistan en partisans convaincus de l’intégrisme.

A l’inverse de ses discours électoraux, Obama n’a en rien réduit les interventions militaires US dans le monde. Par contre, conscient des réticences de ses concitoyens à aller mourir au loin pour l’oncle Sam, il s’efforce de mener de nouvelles formes de guerre ; elles ne ressemblent en rien au sanglant désastre vietnamien d’il y a quarante ans qui avait provoqué le soulèvement pacifiste de la jeunesse étasunienne.

Aujourd’hui les « marines » sont en majorité des immigrés à qui on a promis un passeport en cas d’engagement. Mieux encore, les USA font de plus en plus appel à des sociétés privées recrutant des mercenaires. En Irak, il y avait en 2008, 150 000 soldats réguliers US pour plus de 70 000 mercenaires.

Fin 2010, quand le retrait commence, environ la moitié des 90 000 occupants sont employés par des sociétés militaires privées sous contrat avec l’état de Washington (120 milliards de dollars dépensés à cet effet par le Pentagone depuis 2003). Ne reculant devant aucune indignité, les décideurs étasuniens et les « entrepreneurs de conflits » sous traitants recrutent surtout en Afrique, notamment en Ouganda, grâce aux complicités locales : le général Salim Saleh, frère du dirigeant pro-américain du pays, Yower Museveni, parraine l’enrôlement de pauvres diables qui vont risquer leur vie en Irak, parfois pourquelques 400 dollars par mois ! (Monde Diplomatique, mai 2012).

L’humanisme d’Obama consiste donc essentiellement à multiplier les actes de guerre avec la peau des autres en économisant celle des Yankees bon teint…

*Autre aspect de cette nouvelle stratégie guerrière déjà menée par Washington, la cyber guerre ; à l’heure où toute économie industrielle, toute structure de défense sont tributaires de l’informatique, il suffit de quelques centaines de « hackers » bien rétribués pour introduire depuis l’autre bout du monde des virus dans les ordinateurs du pays ennemi pour l’espionner sans risque ou détruire ses capacité industrielles et militaires. Dans ce domaine la guerre est déjà commencée par les USA contre l’Iran, soupçonné de vouloir créer une arme nucléaire (qu’ont déjà Washington, Paris, Pékin, New Delhi, Islamabad, Tel Aviv etc…) et surtout de vouloir devenir une puissance industrielle concurrente de l’Occident. Déjà en 2010, le virus Stuxnet, introduit dans les ordinateurs iraniens a réussi à stopper ou faire exploser des usines enrichissant l’uranium à Natanz, en Iran. Fin 2011, le virus espion Duqu, prélevait des informations dans les ordinateurs de Téhéran. En mai 2012, c’est une attaque massive par des logiciels qui détruisent certaines données (« Wiper »-effaceur) ou en recopient d’autres tout aussi confidentielles, sans perturber visiblement le fonctionnement des appareils. « Flame » est ainsi l’espion idéal à tel point que les protestations indignées des dirigeants occidentaux contre les secrets iraniens relève de l’hypocrisie. Bien sûr, ni les USA, ni Israël son fidèle second, ne reconnaissent officiellement la paternité de ces attaques informatiques. Il s’agit pourtant d’un secret de polichinelle : la CIA rétribue ouvertement des milliers de spécialistes informatiques à des tâches de « renseignement » ou de « contre-offensive informatique ». Le pentagone affirme d’ailleurs en toute ingénuité que « toute attaque informatique contre la sécurité nationale des Etats Unis sera considérée come un acte de guerre et susceptible de riposte armée » !!

*L’un des plus convaincants discours du candidat Obama était sa condamnation indignée de la prison ouverte par Bush à Guantanamo, sur ce bout de territoire cubain occupé par l’armée étasunienne. Dans ce camp de détention ont été rassemblés en toute légalité, civils ou militaires, des milliers de prisonniers capturés par les forces spéciales US un peu partout, en Irak, Afghanistan, Pakistan, Yémen etc… soupçonnés d’appartenance à la mouvance terroriste anti-américaine ; ils étaient soumis à des interrogatoires plus ou moins musclés, sans avocats, sans aucun des contrôles prévus par la convention de Genève pour les prisonniers de guerre, avec une telle absence de preuves, pour certains, qu’ils ont dû être relâchés après de longs mois de détention : aucun tribunal civil n’a accepté de se déshonorer en les jugeant. Ce « système Guantanamo » qui d’ailleurs n’a pas en 2012 totalement disparu, était évidemment le contraire des droits de l’homme invoqués par les idéologues de Washington.

Mais on ne savait pas par quelle méthode de combat le président Obama voulait le remplacer : elle est bien pire et se nomme la guerre des drones, le « permis de tuer » depuis le territoire étasunien les combattants anti-américains supposés terroristes, repérés dans leur village ou leur quartier par des informateurs au sol, sur les théâtres de guerre d’Afghanistan, Pakistan ou Yémen.

Toute une cohorte d’analyses parues dans la presse nord américaine explique comment Obama organise systématiquement la liquidation physique, grâce à des drones guidés par des opérateurs depuis une base du Nevada, l’assassinat ciblé d’individus considérés comme terroristes à 6000 km de distance. Tous les mardis à la maison blanche, le président « épluche les bios qui lui sont soumises », et, « soumet à son feu vert toutes les frappes proposées au Yémen, en Somalie, au Pakistan » (J. Becker, Scott Shane, The New York Times). C’est lui qui, personnellement donne le « permis de tuer ». Cette méthode de guerre a atteint aujourd’hui une telle importance qu’elle supplante peu à peu le bombardement par F16, plus risqués pour les GI. Selon les dires officiels, les frappes de drones, quasiment inexistantes sous la présidence de Bush, ont culminé à 117 en 2010 au Pakistan (malgré les protestations du gouvernement allié des USA) et se sont maintenues à 64 en 2011. Au Yémen il y en a eu 10 en 2011 et 22 durant les premiers mois de 2012. D’ici 2013, les stratèges US prévoient plus de 60 sorties par jour en Afghanistan et Irak. L’armée US forme actuellement davantage d’opérateurs de drones que de pilotes d’avion F16 : ils seront très bientôt moins nombreux que ces techniciens de l’espionnage et de l’assassinat à distance (D. Zucchino, los Angeles Times). Cette forme de guerre prend d’autant plus d’ampleur que les opérations avouées officiellement sont loin d’être les seules : le Washington Post a annoncé que des drones étasuniens survolent d’ore et déjà le Sahara, à partir de bases US secrètes au Sahel.

D’autres sources laissent entendre que c’est aussi le cas en Syrie et que certains attentats contre les forces fidèles au régime d’El Assad pourraient bien être leur fait.

Cette « guerre de lâches », où l’on tue à distance, sans risque pour les agresseurs étasuniens, n’a plus rien à voir avec les batailles rangées et les combats d’homme à homme du Far West. Elle n’a pour Obama et ses technocrates de l’impérialisme que deux défauts : qu’il s’agisse d’armées mercenaires ou de drones tueurs, cela coute fort cher et les ressources des USA sont en baisse ; mais surtout, cette forme obamienne de guerre est politiquement inefficace à longue échéance : les exactions dont se rendent coupables des soldats motivés par l’appât du gain plus que par le patriotisme, les bavures des « éliminations ciblées » qui tuent régulièrement des civils au Pakistan ou ailleurs, multiplient la haine contre l’Occident et renforcent l’audience des intégristes, talibans ou autres.

Qu’il soit signé de Bush ou d’Obama, l’impérialisme étasunien et de ses soutiens occidentaux, relève du crime contre l’humanité que le tribunal pénal international, aux ordres de Washington, attribue aux seuls despotes africains ; Charles Taylor, bourreau du Liberia, Béchir le soudanais ou Gbagbo l’ivoirien n’étaient certes pas des enfants de choeur, mais sont-ils plus coupables qu’Obama et ses « permis de tuer », que Sarkozy écrasant la Lybie ?

Francis Arzalier

http://www.collectif-communiste-polex.org/bulletin/bulletin_94.pdf

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