Singularités nord-africaines par Ahmed Halfaoui
1 février 2012
http://www.lesdebats.com/editions/010212/les%20debats.htm
Singularités nord-africaines
Libye : celui qui fait office de Premier ministre, Abdel Rahim Al Kib, peut manquer de tout sauf de culot. Mais on n’en est pas à une impudence près avec ce pouvoir installé par l’OTAN sur les cadavres d’un peuple et les ruines d’un pays voué aux pires éventualités. Al Kib, qui ne manque pas d’air, propose la tenue d’une conférence régionale, en vue d’organiser «la lutte contre la prolifération des armes due aux partisans en exil du régime déchu de Mouammar Kadhafi».
D’après lui : «Certains éléments armés de l’ancien régime qui ont pu fuir le pays et qui continuent de se déplacer librement constituent toujours une véritable menace. C’est une menace pour nous, pour les pays voisins et pour nos relations partagées».
Alors que ce qui inquiète sérieusement les pays limitrophes de la Libye ce sont ces hordes de «révolutionnaires», lâchées sur les Libyens et véritables maîtres du pays et que, pour la prolifération des armes, il faudrait commencer plutôt par chercher du côté de ceux qui ont «soutenu» la «révolution», qui savent à qui ils les ont livrées et par récupérer celles qui sont portées ostensiblement sous les fenêtres, même du CNT.
Maroc : officiellement, l’Algérie n’approvisionne pas les «hallabas» (vendeurs de carburants au marché noir), pourtant, selon la presse marocaine, l’Observatoire de la contrebande au niveau de la Chambre de commerce à Oujda lance une alerte et appelle l’Etat à prévenir une paralysie de la région. La raison en est que les raffineries d’Arzew et d’Alger ont été fermées pour maintenance. On ose même des reproches aux autorités algériennes de ne pas avoir pris les mesures pour compenser le déficit dans les wilayas de l’Ouest, de façon à prévenir en aval, par exemple, une hausse, à la fin de l’année dernière, de 100% du prix de l’essence et, pire, «les flux de carburants vendus en contrebande peuvent être coupés à tout moment». Il faut dire que la majorité du parc automobile de l’Oriental ainsi que les engins agricoles dépendent de l’essence et des lubrifiants algériens.
On en vient à constater que les économies des deux pays ne se préoccupent pas tellement de la fermeture des frontières.
Tunisie : après avoir revendiqué la démocratie, les démocrates retournent dans la rue parce que le peuple, enfin celui qui a voté, a mal voté. Cela rappelle, un peu, cette manifestation qui a eu lieu un 10 mai 1990 à Alger, où il était question de «tolérance» et de «démocratie». Peut-être que, cette fois-ci, les marcheurs vont peser un peu plus sur la scène, peut-être, aussi, qu’ils n’auront fait que démontrer la faiblesse de leur camp. Tout dépendra de qui ont marché et de l’image qui a été donnée au peuple.
Ceci dit, les temps sont assez durs pour que ce soient l’exclusion sociale, le chômage et la précarité, qui vont le plus préoccuper les Tunisiens, les plus nombreux, ceux qui n’ont voté pour personne.
Egypte : le rapport entre le plus bas salaire et le plus haut, dans le corps des fonctionnaires de l’Etat égyptien, serait de 1 pour 1 000 (Al Ahram Hebdo). Trois gouvernements successifs ont échoué à le ramener à 1 pour 36. On comprend qu’il est, pour le moins, assassin pour un haut fonctionnaire de se départir de 964 fois le SMIG. Les Frères musulmans ont donc du pain sur la planche. Ils doivent récupérer une manne suffisante pour, à la fois, soulager le Trésor public et montrer leur bonne «foi» en la justice. Restera à s’occuper du sort des 90% de travailleurs livrés au bon vouloir des patrons de l’informel.
Par Ahmed Halfaoui