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28 mars 2024

L’ex-bunker de Kadhafi grouille de tous les trafics dans Ouest France


L’ex-bunker de Kadhafi grouille de tous les trafics

mardi 21 août 2012

  • Tous les vendredis, un marché s'installe dans l'ancienne demeure de Kadhafi, qui se transforme en souk.

    Tous les vendredis, un marché s’installe dans l’ancienne demeure de Kadhafi, qui se transforme en souk.

    Photo : Cyril Marcilhacyweet

+ EN IMAGES. Tripoli, caserne de Kadhafi, un an après

Il y a un an, les rebelles s’emparaient de Bab al-Aziziyah, le quartier-forteresse depuis lequel le despote a dirigé la Libye pendant 42 ans. Le Guide avait détalé. Son lion rôderait toujours…

TRIPOLI. Correspondance.

Des amas de béton, des ruines à perte de vue, des amoncellements de détritus : tout ce qui reste, à première vue, de l’immense palais fortifié de Mouammar Kadhafi. Il a régné d’une main de fer sur la Libye du coup d’État de 1969 jusqu’à sa fuite de Tripoli, il y a un an. « Avant, on avait peur de circuler autour du palais, se souvient un chauffeur de taxi. Si on tombait en panne, on était bon pour un interrogatoire. »

Dans ce territoire de 4 km2, tous les immeubles sont en mille-feuilles, comme après un tremblement de terre. Certains ont été bombardés par les avions de l’Otan, d’autres ont été dynamités par les révolutionnaires. Une odeur âcre d’incendie plane encore sur la résidence où vivait le fantasque Guide de la Jamahiriya, soi disant État des masses et authentique dictature. On devine son bureau, ses salons, ou encore la cuisine avec son four à pizza. Les souterrains sont emplis de déchets. Mais des Libyens continuent de visiter cette forteresse surréaliste.

En circulant dans le complexe, on ressent la paranoïa qui habitait l’ancien dictateur. Bab Al-Aziziyah est pensé comme un immense château fort, avec trois enceintes successives et des miradors en béton. Désormais, des voitures stationnent devant les portes.

160 familles squattent

Du linge sèche sur des cordes tendues entre les murs. Une nouvelle vie, un peu cachée, s’est installée dans une partie de Bab al-Aziziyah. Cent soixante familles squattent d’anciennes cellules de la prison VIP de Kadhafi et des baraquements des soldats de sa garde.

Lahdi, 53 ans, y habite depuis trois mois. Employé d’un hôpital, il touche 350 dinars. Son loyer était de 500 dinars. Une équation impossible, qui l’a contraint à déménager ici avec ses deux femmes et ses cinq enfants. Les murs ont été repeints, une petite cloison délimite une cuisine à l’américaine. Un ventilateur essaie en vain de faire oublier les 35 °C.

Lahdi est un déçu de la Révolution. « Les hommes politiques ne tiennent pas leurs promesses. Il y a des combats entre tribus et le gouvernement n’est même pas capable d’arrêter ça. Il y a de gros problèmes de corruption, dit-il amèrement. J’ai l’impression qu’on va dans la mauvaise direction. » Lahdi et sa femme Hadidja n’ont pas voté aux élections législatives de juillet.

Souks et bric-à-brac

Lahdi aimerait quitter Bab Al-Aziziyah pour un appartement normal. « La sécurité n’est pas bonne ici. Des gens viennent se saouler, il y a de la prostitution, du trafic de drogue et souvent des tirs de kalachnikov la nuit. Il y a quelques jours, on a découvert le corps d’une femme assassinée. Ça devient une décharge. Mais je n’ai nulle part où aller. »

Moustapha, 56 ans, un ancien militaire, est son voisin le plus proche. Il s’est installé là avec sa femme et ses cinq enfants depuis cinq mois. L’un de ses fils appartient à la katiba (brigade) chargée de protéger le quartier. « Je ne pouvais plus payer mon loyer. Je suis venu là car je touche 250 dinars de retraite au lieu de 500 avant la Révolution », dit-il. Le Conseil national de transition lui a demandé de quitter les lieux : « Je ne partirai pas. Le CNT n’est pas un vrai gouvernement ! »

Un formidable bric-à-brac est entassé devant sa maison : lits, canapés, lustres, vélos, jouets… « Je récupère ce que les gens jettent dans le complexe. C’est comme un petit magasin. On me connaît, les gens viennent acheter chez moi. » Il ajoute, avec un sourire en coin : « Ce fatras me protège contre le lion. Ça me laisse du temps pour saisir mon arme et le tuer ! » Le lion abandonné par Kadhafi ? Une légende urbaine, explique Lahdi : « Pour empêcher que les habitants ne sortent à la nuit tombée et ne soient témoins des trafics. »

Les vendredis, Bab al-Aziziyah s’anime et devient un souk. Des centaines de voitures stationnent à proximité dans une anarchie organisée dont les Libyens ont le secret. Sur ce marché géant, on trouve aussi bien des professionnels qui vendent des produits d’hygiène, des canapés ou des vêtements que des particuliers. Ce souk est aussi le paradis des receleurs.—-

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J’ai souvent été sur cette place de Bab al-Aziziyah, qui n’était ni une forteresse, ni un lieu secret. Nous pouvions tous y circuler librement et la jeunesse libyenne y était largement présente, ansi que les femmes.  Il y avait souvent des expositions, des conférences, des concerts, de la musique classique. C’était un lieu convivial qui nous permettait de rencontrer, les tribus, les Touaregs, les comités populaires.  Cette place était devenue le lieu où les Lybiens allaient amener leur soutien au Guide au moment de l’agression de l’OTAN et des renégats encadrés par les armées occidentales.

C’est une place que nous aimions beaucoup car elle représentait bien ce qu’était la Jamarihyia : un lieu de résistance au colonialisme occidental

ginette

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