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29 mars 2024

La Libye était condamnée à la recolonisation (II)


Publié dans : 3e guerre mondiale/world war iii

La Libye était condamnée à la recolonisation (II) par Joëlle Pénochet

Internationalnews

Mise à jour du 3 avril 2012 (vidéo)

Lire la première partie:

La Libye: un pays qui était condamné à la recolonisation (I)

 

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Les réalisations du régime de Mouammar Khadhafi

Pour l’Occident, un bon pays du Sud est un pays pauvre, dont la population est illettrée et affamée, sans infrastructures de base, très endetté et dépendant du FMI, de la Banque mondiale et autres organisations internationales destinées à l’organisation du pillage du Tiers Monde au profit des élites du Nord. Avec des dirigeants à sa botte. Un dirigeant du Sud  qui ne se plie pas à ses règles est un dirigeant mort… Tant il est vrai qu’aucun pays du Sud ne peut résister à la puissance de feu des forcesde l’OTAN.

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La politique sociale: la redistribution des revenus de la manne pétrolière au peuple libyen 

Le vieux roi Idriss (ancien cheik d’origine algérienne proclamé roi en 1951), marionnette mis en place par les anglo-saxons, avait été déposé, sans effusion de sang, le 1er septembre 1969 par un groupe de militaires dirigé par le colonel Mouammar Kadhafi. La Libye était alors un pays sous-développé, ses richesses naturelles étant pillées par des puissances étrangères.

Les troupes coloniales furent mises à la porte et l’industrie pétrolière nationalisée, ce qui permit au peuple libyen de devenir maître de ses ressources et de mener une politique indépendante de modernisation du pays pour le sortir du sous développement. L’une des populations les plus pauvres du monde (avec un revenu annuel par habitant de moins de 60 dollars) put ainsi devenir, au fil des ans, la plus riche d’Afrique, et afficher un indice de développement humain (IDH) au 53e rang sur 169 pays, devant la Russie et le Brésil.

Les prix du pétrole échappèrent au contrôle américain alors que jusque-là, la fixation des prix de l’OPEP était contrôlée par les Etats-Unis par le biais de leurs fidèles amis saoudiens.

La redistribution des revenus du pétrole libyen a bénéficié à toute la population, et non à une poignée d’oligarques comme dans les pays du Golfe et les autres pays africains producteurs de pétrole (comme le Nigéria), dont les populations analphabètes à près de 80% vivent dans la misère (sans eau courante, sans électricité, sans système de santé ni protection sociale…).

Le taux d’illettrisme était passé de 90% à 7%, et aujourd’hui un quart des Libyens possèdent un diplôme universitaire (alors qu’il n’y avait aucune université et peu d’écoles du temps de la monarchie). Les étudiants pouvaient obtenir des bourses pour suivre à l’étranger les formations spécialisées que la Libye ne pouvait leur offrir. Un Libyen ne trouvant pas de travail à la sortie de ses études recevait le salaire moyen qu’il aurait normalement reçu dans sa profession, jusqu’à ce qu’il trouve un emploi correspondant à sa formation. Grâce aux prêts d’Etat, la presque totalité des Libyens était propriétaire de son logement et chaque famille possédait une voiture.

Tous les prêts étaient accordés sans intérêt, en accord avec les lois anti-usure de l’islam.

Les soins médicaux étaient gratuits et les hôpitaux avaient des équipements aussi modernes que ceux de l’Europe. Grâce aux revenus du pétrole, tous les citoyens recevaient une allocation de vie, et on trouvait dans les magasins d’Etat les denrées alimentaires de base subventionnées.

Une partie des revenus de la vente du pétrole libyen était créditée directement sur le compte de chaque citoyen libyen. Tous les nouveaux mariés recevaient recevaient un prêt d’Etat de 60.000 Dinars (environ 50.000 $US) sans date limite de remboursement, et chaque femme 5.000 $US à la naissance de son enfant. L’achat d’une voiture était subventionné à hauteur de 50%. Les agriculteurs bénéficiaient d’une aide à l’installation et ne payaient pas de taxes. Le taux de chômage était nul, et le pays comptait trois millions de travailleurs africains émigrés pour lequel la Libye était un véritable Eldorado.

 

La situation des femmes 

« J’avais promis à ma mère d’améliorer la situation des femmes » Mouammar Kadhafi

Le statut des femmes avait été notablement amélioré, dans une société où elles sont généralement peu considérées. L’équipe de gardes du corps du « Guide », uniquement composé de femmes en était un symbole flamboyant. Elles étaient encouragées à participer à la vie politique et pouvaient s’engager dans l’armée.

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Dès 1970, des lois passèrent en vue de l’égalité de salaire égal à travail égal. Le taux d’emploi des femmes atteignit 27% en 2006. Les femmes étaient encouragées à continuer de travailler après la naissance de leur enfant et pouvaient prendre leur retraite à 55 ans. De 1966 à 1996, le pourcentage de femmes poursuivant des études supérieures passa de 8 à 43% atteignant le même niveau que les hommes. Les mariages forcés et les mariages d’enfant furent interdits, et l’âge minimum du mariage fut élevé à 18 ans. Depuis 1973, les femmes pouvaient demander le divorce. La restriction de leur mobilité fut interdite. Les femmes conduisaient et pouvaient voyager librement avec leur passeport.

 

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Une politique extérieure généreuse orientée vers le développement du continent africain et du Tiers Monde en général, et la libération des peuples opprimés 

Sur le plan extérieur, Mouammar Kadhafi a toujours soutenu les peuples opprimés, notamment les Touaregs persécutés au Mali, les catholiques irlandais, les Sarahouis du Sahara occidental, le mouvement anti-Apartheid en Afrique du Sud et les Palestiniens.

Il a recueilli les réfugiés politiques et financé le développement du Tiers-monde, offrant une aide plus importante que celle de tous les États du G20 réunis. La perspective de la fin de l’exploitation coloniale de l’Afrique ne pouvait que provoquer l’ire des puissances impérialistes habituée à se servir dans le Sud «comme dans un supermarché».

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Des réalisations technologiques au service de la Libye et de tout le continent africain


Un ouvrage unique au monde: Le «Grand fleuve artificiel»
 (Great Man-Made River Projet)

Grâce à la Banque centrale libyenne, les revenus du pétrole ont pu être investis dans des grands projets de développement du pays, comme la plus grande installation d’irrigation au monde. Qualifiée parfois de 8ème merveille au monde, le « Grand Fleuve Artificiel »a permis d’implanter des exploitations agricoles florissantes en plein désert du Sahara (la Libye est un pays désertique à 90%, où la pluviométrie est de 200 mm d’eau par an) dans le but de conduire le pays à l’autosuffisance alimentaire. Cette réalisation ne pourra fonctionner que pendant une cinquantaine d’année, cette ressource d’origine fossile n’étant pas renouvelable.

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Ce projet audacieux et inédit, d’un coût situé entre 35 à 80 milliards de dollars, fut lancé en 1983 sur vingt cinq ans, est en grande partie réalisé aujourd’hui. Il fut financé sans aucun emprunt aux banques étrangères. Insupportable pour les institutions internationales! Il a naturellement été une cible militaire pour l’OTAN: il ne faut laisser aucune trace des réalisations de l’ancien régime, et aussi rendre le pays de nouveau dépendant des multinationales et des institutions internationales pour reconstruire le pays ravagé par l’OTAN.

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Le satellite africain RASCOM: la révolution technologique africaine

En finançant à hauteur de 300 millions de dollars le premier satellite africain de communications, la Libye a permis à l’Afrique de s’affranchir du diktat des compagnies étrangères qui lui faisaient payer les communications téléphoniques à des prix exorbitants – les plus chers au monde car ils transitaient par les satellites européens. L’Organisation régionale africaine de communications par satellite – RASCOM avait été créée en 1992 par 45 pays africains, qui avaient tenté en vain pendant quatorze ans d’obtenir un prêt de la Banque mondiale et du FMI…

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Mis en orbite le 26 décembre 2007, le satellite a permis en outre « d’assurer la diffusion des programmes de télévision et de radiodiffusion, ainsi que plusieurs autres applications technologiques comme la télémédecine et l’enseignement à distance. Grâce aux transmissions radio WMAX, une connexion à faible coût a été mise à disposition à travers le continent, y compris dans les zones rurales. » (rapport du CIRET, p. 10). Un second satellite de communication africain a été lancé en 2010.

 

Un pays sans dette extérieure !

La Banque Centrale libyenne, institution de la Jamahiriya (14), propriété de l’Etat, fut le principal instrument de cette politique d’indépendance nationale, un antidote à la politique de paupérisation des états et des peuples sur lequel les européens pourraient prendre exemple…

Les banques privées dépouillent les emprunteurs (Etats comme particuliers) en pratiquant des taux d’intérêt exorbitants. (Et, en tant de « crise », elles se font renflouer sans vergogne par les contribuables, sans aucune contrepartie…). Les institutions financières internationales consentent des « prêts » aux pays en difficulté en leur imposant des plans d’ajustement structurel qui les appauvrissent encore plus, et leur font réduire les budgets des secteurs de la santé, de l’éducation, de la protection sociale et de l’équipement. L’accroissement sans fin de la « dette » des pays (du Nord comme du Sud) provient du fait que l’Etat, ne pouvant plus battre monnaie,  devient l’otage des banques privées.

La Banque Centrale libyenne possédait était « une institution monétaire solide, crédible et indépendante des grandes institutions financières internationales telles que la Bank of International Settlements (BIS), le FMI, le Foreign Direct Investment (FDI). » (Le Figaro, 2 mars 2011). Ses principales prérogatives  étaient « d’imprimer, de frapper et de réguler les billets et pièces de monnaies du Dinar libyen, de gérer et accorder des prêts». Contrôlant sa monnaie, la Libye était un état réellement indépendant dans ses choix politiques, économiques et militaires, sans besoin « d’aide » extérieure.

 

La création du « Dinar-Or » par la Libye menaçait dangereusement le dollar

Le Dinar-Or, basé sur les réserves réelles d’or du pays (qui en possédait des sommes colossales: environ 144 tonnes), allait permettre à la Libye et à de nombreux pays du continent africain de se passer du dollar, ce qui était absolument insupportable pour les Etats-Unis. (15)  Rappelons-nous que la chute de Saddam Hussein a été précipitée par son projet de faire payer le pétrole iraqien en euros…

 

Les autres projets et réformes en cours qui ont motivé l’agression otanienne

Kadhafi voulait créer des institutions financières panafricaines indépendantes, avec pour moteur l’Autorité libyenne d’investissements et la Banque étrangère de Libye. La création programmée d’une Organisation du Traité de l’Atlantique Sud et  des États-Unis d’Afrique aurait également protégé l’Afrique et l’Amérique latine de l’influence américaine.

Par ailleurs, dans le cadre des réformes institutionnelles, il avait le projet d’élargir le pouvoir du peuple libyen et le faire profiter de la richesse nationale de façon plus égalitaire (notamment entre l’Est et l’Ouest du pays), en éradiquant la corruption enracinée au fil des décennies au sein de son gouvernement et de l’administration. Mais l’évolution du système politique était vue d’un très mauvais oeil par certains de ses proches (ceux qui allaient bientôt le trahir), qui avaient peur d’y perdre leur pouvoir. Ils ont été attirés par les propositions alléchantes des Occidentaux. C’était le cas de Mahmoud Jibril, qui aurait rencontré à plusieurs reprises en 2010 Bernard-Henry Lévy (l’agent de la CIA et du Mossad, devenu le ministre de la Guerre occulte français) pour mettre au point le plan pour éliminer Kadhafi et livrer le pays aux puissances étrangères.

En bref, le « Guide » n’a pas saisi que ses projets en cours étaient en complète contradiction avec son désir de revenir en grâce dans les puissances occidentales, qui ne pourraient en aucun cas supporter leur mise en application. Il fallait un complet aveuglement pour ne pas le comprendre.

 

Main basse sur les avoirs libyens à l’étranger: « le hold-up du siècle «décomplexé», et «certifié» par le Conseil de sécurité »

Le pillage par les puissances impérialistes des réserves d’or et de devises de la Libye a commencé dès le début de l’agression de l’OTAN, avec le gel des avoirs à l’étranger. L’ancien ambassadeur français en Libye, Christian Graeff, a fait observer que « Les mesures de sanctions économiques contre le régime du Colonel Kadhafi ont été mises en œuvre par la France et ses alliés bien avant la résolution 1973 du Conseil de sécurité. C’est ainsi que les USA ont bloqué les avoirs libyens dans les banques étasuniennes. » (16)  La Libye dispose d’environ 200 milliards de dépôts de réserves de pétrodollars libyens dans les pays occidentaux.

Curieux hasard: près des deux tiers des investissements libyens à l’étranger sont détenus dans des pays constituant les forces envahisseuses de l’OTAN: 34 milliards aux États-Unis, 19,2 milliards  en Grande-Bretagne, 10,56 milliards en France, 19 milliards en Belgique,  9,73 milliards en Italie, 4,17 milliards aux Pays-Bas, et 2,4 milliards au Canada.

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En bloquant ces fonds, les puissances impérialistes ont ainsi opéré le hold-up du siècle «décomplexé » et « certifié » par le Conseil de sécurité. Les Trésors des puissances impérialistes jubilent d’avoir bloqué les dépôts de la Libye sur leurs territoires respectifs. » PR Michel Chossudovsky (Ibid., C’est nous qui soulignons).

Fait curieux, relevé par un économiste: les « insurgés » ont crée leur banque centrale dès le mois de mars:

«Je n’ai jamais entendu parler auparavant d’une banque centrale créée juste après quelques semaines d’un soulèvement populaire. Ceci veut dire que nous avons à faire à autre chose qu’un groupe de rebelles déguenillés courant partout et qu’il y a derrière des influences plutôt subtiles ». Robert Wenzel Economic Policy Journal

 

Main basse sur les ressources naturelles du pays

La Libye est le premier pays africain producteur du pétrole, devant le Nigéria et l’Algérie. S’il ne représente que 3,5 % des réserves mondiales (pour une valeur de 3.900 milliards de dollars aux cours actuels du brut), le brut libyen est d’excellente qualité (il demande peu de raffinage), d’extraction facile, et son acheminement est aisé.

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Les profits sont donc extrêmement importants pour les compagnies pétrolières:« Alors que la valeur marchande du pétrole brut est actuellement bien au-delà des 100 dollars le baril, le coût du pétrole libyen est extrêmement bas, aussi bas que 1 dollar le baril (selon une estimation).» a souligné le Pr Chossudovsky, qui poursuivait en citant un expert du marché pétrolier: « À 110 dollars [le baril] sur le marché mondial, un simple calcul mathématique donne à la Libye une marge de profit de 109 $ [le baril]. » (17)

Les réserves prouvées sont de 46,5 milliards de barils (US Energy Information Administration, février 2011, Oil and Gas Journal), soit plus du double de celles des Etats-Unis (20,6 milliards de barils selon l’Energy Information Administration). Près de 80 % des réserves pétrolières du pays se trouvent dans le bassin du golfe de Syrte, la région martyr qui a résisté pendant plus d’un moins aux bombardement intensifs de l’OTAN et aux exactions de ses sbires.

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La Libye dispose également de d’importantes réserves de gaz naturel (1.500 milliards de m3), et de l’uranium.

Après la prise de possession des installations pétrolières du pays, les néo-colons reprivatiseront l’industrie. Quand ils auront fait remonter la production pétrolière à son niveau antérieur (1,6 million de barils/jour), les revenus annuels devraient s’élever à 50 milliards de dollars.

 

L’AFRICOM et la guerre USA-Chine pour l’accès aux ressources énergétiques

« Washington veut renverser Kadhafi parce qu’il souhaite clairement bouter la Chine hors de Libye. »  Rapport du CIRET-AVT, p. 35

Un récent rapport du FMI confirme que l’économie américaine va être supplantée par celle de la Chine dans les cinq ans à venir. Les deux grandes puissances, qui doivent sécuriser leur accès aux ressources, sont en concurrence pour contrôler les champs pétroliers les plus importants connus. Or, le tiers des 2,6 millions de barils de pétrole brut importés par jour par la Chine provient du continent africain.

C’est pourquoi les Etats-Unis n’ont pas pardonné à Kadhafi d’avoir refusé, en 2008, de rejoindre l’Africom (US Africa Command), commandement régional créé par le Pentagone sous l’administration Bush, essentiellement pour lutter contre la pénétration croissante de la Chine en Afrique. Le guide libyen avait alors déclaré s’opposer à une « démarche impérialiste qui essaie d’acheter tout le continent ».

De son côté, « la Russie a développé d’importants accords pétroliers avec la Libye, des ventes d’armes s’élevant à des milliards de dollars et un projet de voie ferrée pour relier Syrte à Benghazi. Il y avait aussi eu des discussions sur l’ouverture à la flotte russe d’un port méditerranéen près de Benghazi. » (18). En outre, les multinationales occidentales trouvaient de plus en plus intolérables certaines des clauses des contrats imposées par le gouvernement Kadhafi, et redoutaient de voir la société russe Gazprom se voir accorder une part importante de l’exploitation des réserves du pays. On comprend d’autant plus mal, dans ces conditions, l’abstention de de la Chine et de la Russie lors du vote de la résolution 1973 au Conseil de sécurité…

Par ailleurs, le pays est un passage stratégique vers l’Afrique centrale, le Tchad et le Soudan, pays stratégiques riches en pétrole où la Chine et les Etats-Unis (avec Exxon Mobil et Chevron) sont également en concurrence.

Enfin, la guerre contre la Libye permet de stopper le développement du continent noir,  dont lé régime de Mouammar Kadhafi était le moteur.

 

Les graves fautes politiques du Guide et de son fils Saïf Al Islam ont été fatales au pays

Trop sûr de lui, le colonel Kadhafi a malheureusement cru, au cours de ces dernières années, pouvoir revenir en grâce en Occident dans le but de faire lever les sanctions et retirer la Libye de la liste noire des pays à détruire, concoctée en septembre 2001 (en réalité bien avant: dès Reagan, et par le PNAC!) (19), toujours d’actualité. Dans les années 2000, il a fait le tour des capitales des puissances impérialistes pour normaliser ses relations avec les pays occidentaux.

Comme jadis Saddam Hussein, il a eu tort de croire qu’il pourrait réintégrer la «communauté internationale» en faisant moult concessions, notamment en acceptant de payer chèrement pour des crimes qu’il n’avait pas commis, tout en continuant de clamer son innocence (20). Ainsi il a du verser 2,7 milliards d’indemnités de compensations aux familles des victimes de l’attentat de Lockerbie (21 décembre 1988, 270 morts), alors qu’il a été prouvé qu’il n’en était pas responsable, pas plus que de celui contre le DC-10 d’UTA, ni de celui qui a détruit une discothèque à Berlin en avril 1986 – utilisé comme prétexte par l’administration Reagan pour effectuer dix jours plus tard un raid aérien sur sa résidence de Tripoli – tuant sa fille adoptive et une dizaine d’autres innocents.

Grâce à ces énormes concessions, les sanctions internationales qui pénalisaient sévèrement le pays furent levées par l’ONU en septembre 2003. La Libye fut même nommée à la tête de la commission des Droits de l’Homme à l’ONU la même année.

Après la levée totale de l’embargo en 2004, Kadhafi avait du laisser revenir dans le pays des compagnies pétrolières américaines, et des dizaines de banques et sociétés financières étasuniennes et européennes, qui ont alors afflué en Libye, dont Goldman Sachs, qui escroqua la banque libyenne de 90% de ses dépôts (21).

En 2007, il aurait même financé les campagnes de Nicolas Sarkozy Nagy Bocsa et de Ségolène Royal dans le but de faire abandonner toute poursuite à son encontre, quel que soit le vainqueur de la présidentielle.

En outre, jusqu’à la bataille de Tripoli, il a négocié avec des émissaires israéliens, espérant naïvement à parvenir à acheter la protection d’Israël, l’un des premiers pays à souhaiter son élimination…

Grâce à toutes ces compromissions, il pensait avoir regagné les faveurs des grandes puissances occidentales. Mais « l’impérialisme américain et ses homologues en Europe continuaient de considérer son régime comme un obstacle à leurs objectifs dans la région. » Bill Van Auken (op. cit.)

 

Le rôle calamiteux de Saïf Al Islam

Souvent cité pour prendre la succession du Guide, son fils Saïf Al Islam, optimiste quant au rapprochement avec les puissances impérialistes, et piètre géostratège, fut l’artisan très maladroit de ce rapprochement avec l’Occident, et des vains efforts pour effacer l’image d’état-voyou de la Libye, avec les résultats désastreux que l’on connait aujourd’hui…

Saïf Al Islam a également commis une énorme faute en amnistiant et en libérant en 2009 un millier de terroristes islamistes du GICL  (peut-être sous des pressions occidentales) au lieu de les laisser croupir en prison pour les laisser hors d’état de nuire. Ces membres d’Al-Qaida se sont empressés de renier leur promesse écrite de renoncer à la violence pour rejoindre les mercenaires de l’OTAN. Après la prise de Tripoli, les derniers terroristes furent libérés par le CNT pour qu’ils les assistent dans leurs sales besognes.

Dès sa nomination en tant que numéro deux du régime par son père, le jeune homme très ambitieux, récemment diplomé en Relations internationales de la London School of Economics (LSE) de Londres, a continué de cultiver une image de réformateur audacieux. Il avait travaillé à la rédaction de la nouvelle constitution. Fait très curieux, il avait choisi parmi ses conseilllers des néo-conservateurs américains comme Francis Fukuyama, Benjamin Barber, ou Samuel Hunttington, inventeur du « Choc des civilisations », décédé depuis), membre de sa Fondation.

 

Détruire la Jamahiriya, la démocratie directe libyenne, pour installer la Charia… 

Washington, suivi par Londres et Paris, a décidé d’organiser un coup d’Etat international pour en mettre en place un nouveau régime fantoche de type colonial pour faire retourner la Libye quarante-deux ans en arrière, du temps de la monarchie. Et même bien en-deçà…

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Mustapha Abdel Jalil

Avant la prise de Tripoli par l’OTAN, des manifestations monstres de soutien au régime avaient lieu tous les vendredi sur la place verte de Tripoli, haut lieu de la symbolique révolutionnaire libyenne, et dans d’autres villes du pays. Celle du 17 juin avait rassemblé un million de personnes, soit 1/6 de la population totale du pays.

Désormais, leur pays est détruit et ils sont gouvernés par des puissances étrangères via les fantoches du « CNT. », dont le dirigeant, l’islamiste radical Mustapha Abdel Jalil, a déclaré le 22 octobre à Tripoli que la charia serait désormais la base de la Constitution libyenne, que la polygamie (interdite par Kadhafi), serait rétablie et que le divorce, autorisé sous l’ancien régime, était désormais illégal…

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L’Occident apporte la démocratie et le progrès (ici pays du Golfe)

C’est le régime choisi par les USA et leurs vassaux pour aligner la Libye sur leurs amis des monarchies absolues théocratiques du Golfe où, dans beaucoup d’entre eux, on coupe la main droite des voleurs, pratique la lapidation des femmes adultères, les coups de fouets, la crucifixion des condamnés à mort en place publique, les mariages forcés d’enfants, la répudiation de la femme (seule forme du divorce), et où les travailleurs émigrés africains sont traités comme des esclaves.

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Comme l’Iraq, la Libye, pays moderne, est retournée à l’âge de pierre. Les grandes villes et les infrastructures vitales du pays ont été détruites volontairement par les bombardements de l’OTAN: stations d’épuration et système de distribution d’eau, centrales électriques, centres de communication, hôpitaux, écoles, universités…

La ville de Syrte (ville native du colonel Kadhafi), le dernier bastion de résistance des loyalistes, est totalement en ruines, à l’image de Dresde en 1945 ou de Fallujah (Iraq) en 2004. Elle a été assiégée par les troupes au sol (les «rebelles», lourdement armés) et sous le feu des bombardements permanents de l’OTAN.

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Après sa chute, les milices islamistes se sont chargées de punir les habitants de leur résistance en continuant à les massacrer. Elles ont torturé les habitants, violé en masse les femmes et les fillettes, saccagé, volé, pillé les maisons, les hôpitaux et les commerces. Les survivants, qui mouraient de faim et de soif, en ont été réduits à boire leur propre urine pour s’hydrater. (Pendant la « bataille » de Tripoli, les « rebelles », qui avaient pris le contrôle des usines de la Grande rivère artificielle, avaient déjà coupé l’eau d’approvisionnement de la capitale) Le sol était jonché de milliers de cadavres en décomposition. La tombe de la famille Kadhafi a été profanée, et le corps de sa mère brûlé. Toutes ces atrocités ont été commises sous le regard indifférent de la « communauté internationale ».

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Le drapeau d’Al Quaida flotte sur Syrte

 

Prochain arrêt: Damas

Contrairement à la Syrie, l’Iran, le Venezuela et Cuba (parmi d’autres: consultez le programme!) la Libye n’était pas citée explicitement sur la liste noire des pays à « libérer » de leurs dictateurs dans le programme présidentiel de Barack Hussein Obama de 2008.

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Maintenant, c’est au tour de la Syrie, dont on fait passer le président Bachar Al Assad pour un nouveau tyran sanguinaire, le nouvel Hitler. La Syrie est également un pays moderne, laïque, indépendant, et ennemi d’Israël. Il est donc lui aussi condamné être détruit, en vue du remodelage complet du Moyen Orient prévu depuis des décennies par l’axe atlanto-sioniste.

Cette fois la Russie et la Chine ont opposé leur veto à cette nouvelle opération impérialiste alors qu’ils ne l’ont pas fait pour la Libye, se contentant de s’abstenir, pour d’obscures raisons de marchandages. Mais pour combien de temps ? Déjà la position de la Chine semble vaciller. Si tant est que c’est toujours la Reapolitik qui l’emporte… Et, s’il le faut, les puissances impérialistes se passeront de l’avis du Conseil de Sécurité, comme elles l’ont fait pour attaquer la Fédération de Yougoslavie en 1999, et l’Iraq en 2003.

Double réussite pour Barack Obama – la créature de Zbiegniew Brzezinski (le génial créateur des Talibans, ancien conseiller pour la sécurité nationale de Jimmy Carter qui n’a jamais cessé de sévir en catimini) -: en pleine  campagne en vue de sa réélection en 2012, le reliquat de sa clientèle (en pleine déliquescence) n’y voit que du feu, et ses nouvelles guerres sont payées en grande partie par ses laquais français et autres, au moment où les Etats-Unis sont en cessation de paiement, où le chômage et le taux de pauvreté atteignent des niveaux records… Mais rares sont ceux – et c’est là que le choix du président par les élites occultes était particulièrement judicieux -, qui osent encore s’attaquer au nègre blanc de peur de se faire taxer de racistes…

 

L’avenir très sombre de la Libye

Les requins occidentaux ont remis sur la table les projets rejetés par l’ancienne Libye, et se bousculent pour s’arracher les contrats juteux sur sa dépouille. Aussitôt le pays reconquis, des troupes de responsables politiques et d’hommes d’affaires se sont précipitées dans la capitale libyenne pour commencer de se partager le gâteau. Les multinationales américaines et européennes, notamment les géants du pétrole et du bâtiment (BP, Total, Exxon, Bouygues…), vont pouvoir maintenant se distribuer des contrats juteux – comme elles l’ont fait en Iraq -, au grand dam des compagnies russes, chinoises et indiennes. Et l’on peut d’ores et déjà pressentir l’installation prochaine du géant de l’agroalimentaire Monsanto qui imposera ses semences transgéniques aux agriculteurs libyens, comme en Iraq et en Afghanistan. (22)

Le président du Parlement européen, Jerzy Uzbek, a dit espérer maintenant une « pleine implication » de la Libye dans l’Union pour la Méditerranée (UPM), un projet rejeté en 2008 par Mouammar Kadhafi car il visait à torpiller son projet d’Etats-Unis d’Afrique et à diviser le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.

Une « réconciliation nationale » est impossible. Comme l’Iraq, le pays est promis à une guerre civile de longue durée, et sans doute à la partition. Les Libyens, ne pouvant supporter le retour à l’asservissement aux colons occidentaux et la détérioration de leurs conditions de vie, continueront à lutter contre un régime fantoche similaire à ceux qui ont été installés par les Etats-Unis en Iraq et en Afghanistan.

La troupe disparate des mercenaires terroristes de l’OTAN, n’a cessé de commettre, depuis le début, des crimes de guerre atroces, quand ils ne s’entretuent pas (exemple du général Abdel Fatah Younis, ministre de l’intérieur de Kadhafi, jusqu’au 22 février 2011, un agent français qui aurait été liquidé par les Frères musulmans…). Les actes barbares commis par les milices islamistes, sont tout à fait semblables à ceux qui ont été commis par le GIA en Algérie dans les années 90′: victimes égorgées, décapitées, brûlés, torturées, aux yeux crevés, dont les bras et les jambes ont été sectionnés, violées, pillages, lynchages racistes contre les noirs… (Cf. le Rapport du 13 octobre  2011 d’Amnesty International) (23). Il s’agit de crimes contre l’Humanité, qui ne seront jamais punis. Ces atrocités ont été largement rapportées par des témoins directs crédibles, et les nombreuses vidéos, dont le visionnage est insoutenable, qui circulent sur l’Internet.

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Le bilan est très lourd: des dizaines de milliers de morts (80.000, 100.000?), des centaines de milliers de blessés, parmi lesquels de nombreux handicapés à vie, des enfants malformés ou mort-nés pour des décennies en raison de l’utilisation d’armes à l’uranium appauvri par l’OTAN (24), des centaines de milliers de réfugiés, une population traumatisée. Un pays moderne qui avait été construit pendant quarante ans, totalement détruit, avec ses infrastructures vitales: stations d’épuration, centrales électriques, hôpitaux, écoles, universités, équipements culturels….

La prochaine étape est une guerre civile de longue durée, entre les partisans de l’ancien régime – qui viennent de créer au Sahel un Front de Libération de la Libye (FFL) – et les différentes factions du CNT, où les islamistes semblent majoritaires, qui ont en leur possession les armes lourdes distribuées par la coalition et le matériel dérobé dans les arsenaux libyens (plus de 20.000 missiles sol-air Sam-7, de milliers de bazookas et de kalachnikovs se sont volatilisés, ainsi que l’a reconnu l’OTAN).

L’Occident est tombé dans un niveau de dépravation, de corruption et de barbarie inimaginable il y a encore quelques décennies. Il est désormais inutile d’invoquer les lois internationales (Charte des Nations Unies, Conventions de Genève…) qui sont constamment bafouées et dont les violations ne sont jamais sanctionnées par les instances juridiques concernées (CPI, TPI),  dès lors  qu’il s’agit de couvrir les crimes commis par les grandes puissances occidentales…  

 

Joëlle Pénochet, le 19 novembre 2011

 

Notes:

(13) Cité par Marinella Correggia: Pluie de bombes sur les civils libyens, qui espèrent encore, Il Manifesto, 7 mai 2011.

(14) Littéralement « Etat des masses », forme de démocratie où le peuple gouvernait par le biais de comités populaires où toutes les tribus étaient représentées.

(15) Libye – le principal motif de l’agression: le Dinar Or (VOSTF), 10 avril 2011 
http://www.internationalnews.fr/article-libye-le-principal-motif-de-l-agression-contre-la-libye-lle-dinar-or-vostf-82307466.html

(16) Journal de France culture du 20 octobre 2011. GRAEFF Christian : Le rôle des Occidentaux dans la chute du régime Kadhafi Entrevue avec l’ancien ambassadeur de France Mondialisation.ca, 20 octobre 2011
Retranscription intégrale: http://www.silviacattori.net/article2213.html

(17) L’«Opération Libye» et la bataille du pétrole : Redessiner la carte de l’Afrique, Mondialisation.ca, 22 mars 2011.

(18) Bill Van AUKEN : Mouammar Kadhafi assassiné par les Etats-Unis et l’OTAN WSWS 24 octobre 2011

(19)  Le Project for the New American Century intitulé (PNAC) « Rebuilding Americas’ Defenses » (« Projet pour un nouveau siècle américain », 2000) annonçait une longue guerre de conquête sur plusieurs théâtres d’opération simultanés.

(20) Cf. Ó CATHAIL Maidhc : Deception over Lockerbie, Dissident Voice, 24 septembre 2009, Libya did not plead guilty for Lockerbie, Labour & Trade Union Review ,March 2004 ; PÉAN Pierre: « Kaddafi n’est pas responsable de l’attentat de Lockerbie » (IN) Arte – fausses pièces à convictions pour l’attentat de Lockerbie 28/08/2007  et  Pierre Péan, Manipulations africaines, Qui sont les vrais coupables de l’attentat du vol UTA 772 ? Plon, Paris, 2001.

(21) Cf. CYPEL Sylvain : Goldman Sachs et les millions libyens, Le Monde, 7 juin 2011. Cité par René Naba Libye: le drapeau vert ne flottera plus sur Tripoli Mondialisation.ca, Le 2 septembre 2011 « De janvier à juin 2008, il lui versa donc 1,3 milliard de dollars. En février 2010, il n’en restait que 25,1 millions. De la somme initialement apportée, 98 % avaient disparu. Certes, on connaît des entreprises – AIG, General Motors, Lehman Brothers, Fannie Mae et Freddie Mac, dont l’action, durant la crise financière, a chuté dans des proportions similaires. Mais, pour des placements d’un investissement souverain, il doit s’agir d’un record du monde toutes catégories. » (Ibid.).

(22) Cf. Joëlle Pénochet: Monsanto à Babylone  Mondialisation.ca 13 février 2008, Journée Internationale des Semences dédiée aux Irakiens et aux Afghans www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=13245  18 avril 2009

(23) Amnesty International : La nouvelle Libye est “entachée” par les atteintes aux droits humains dont sont victimes les prisonniers »

(24) Cf. DINUCCI Manlio  : Uranium Appauvri: LIBYE, le Fukushima de la guerre + vidéo Mondialisation.ca, 30 mars 2011 et PENOCHET Joëlle : Armes À l’uranium appauvri : 20 ans après, où en est-on ?. Internationalnews 7 janvier 2011

 

Voir les références sur mondialisation.ca:

La Libye: un pays condamné à la recolonisation

 

http://www.internationalnews.fr/article-la-libye-un-pays-qui-etait-condamne-a-la-recolonisation-ii-par-joelle-penochet-90100327.html

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