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6 octobre 2024

Le financement de la Campagne de Sarkozy par Bagdadi al Mahmoudi


La justice tunisienne savait dès octobre 2012
Vendredi 4 Mai 2012
Par Mathieu Magnaudeix, Fabrice Arfi et Karl Laske
 
«Oui, en tant que premier ministre, j’ai moi-même supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli », a déclaré, il y a sept mois, Baghdadi Ali al-Mahmoudi.
Dès le 25 octobre 2011, l’ancien chef du gouvernement libyen, actuellement détenu en Tunisie, avait détaillé le financement par le régime Kadhafi de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, lors d’une audience devant la cour d’appel de Tunis, qui examinait la demande d’extradition déposée par la Libye à son encontre.
Dans un témoignage accordé à Mediapart, deux avocats ont révélé, vendredi, avoir pris note, le 25 octobre 2011, des explications de l’ancien premier ministre sur l’existence d’un circuit occulte de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Selon eux, l’ancien chef du gouvernement libyen a précisé devant la cour avoir «supervisé» lui-même ces transferts de fonds, passés selon lui par la Suisse. Leurs témoignages viennent confirmer les déclarations de deux autres avocats de l’ancien premier ministre.
Ce matin du mardi 25 octobre 2011, l’audience d’extradition de Baghdadi Ali al-Mahmoudi se tient devant la Cour d’appel de Tunis, comme le relate à l’époque la presse tunisienne..
Baghdadi Ali al-Mahmoudi, en fuite, est arrivé deux mois plus tôt en Tunisie. Le 22 septembre, il a été arrêté et condamné pour « entrée illégale dans le pays ». Une dizaine d’avocats sont présents. Leur nombre important oblige d’ailleurs à tenir l’audience dans la bibliothèque de la cour d’appel. Parmi eux, des figures du barreau tunisien et des droits de l’homme, venues plaider en faveur de l’ancien premier ministre dont la vie serait, disent-ils, menacée en cas d’extradition. Ils n’ont pas tort : l’ancien guide libyen Mouammar Kadhafi vient d’être tué le 20 octobre. Le CNT, nouveau maître de Tripoli, vient de demander son extradition. Plusieurs associations de défense des droits de l’homme se mobilisent alors contre cette extradition.
L’audience est présidée par le magistrat Ezzedine Bouzrara. Elle va durer 2 heures 45, selon les notes très précises conservées par un des avocats présents,  Mahdi Bouaouaja.
Celui-ci raconte : «Au bout de deux heures, l’un d’entre nous, Slim Ben Othman, a pris la parole. Il a demandé au président de la cour de lui octroyer l’autorisation de poser deux questions à Baghdadi Ali al-Mahmoudi pour souligner, a-t-il dit, l’aspect politique de cette affaire. Le président le lui a accordé. Slim Ben Othman lui a alors demandé s’il avait eu connaissance des dossiers de financement de politiciens étrangers, et plus précisément de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Il lui a aussi demandé si des pays étaient prêts à l’accueillir comme réfugié politique. Le président s’est alors tourné vers Baghdadi, et l’a autorisé à répondre. Baghadi a répondu, en souriant: oui, en tant que premier ministre, j’ai moi-même supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli, des fonds ont été transférés en Suisse et Nicolas Sarkozy était reconnaissant pour cette aide libyenne et n’a cessé de le répéter à certains intermédiaires.»
Interrogé par Mediapart, cet avocat, Slim Ben Othman, qui explique défendre à titre gracieux l’ancien premier ministre libyen qu’il connaît très bien, confirme les propos de son confrère. Il précise même que Baghdadi Ali al-Mahmoudi les a répétés en présence de plusieurs de ses avocats lorsque des émissaires de l’UNHCR, l’agence des Nations-Unies chargée des réfugiés, lui ont rendu visite dans sa prison de Tunis.

«Baghdadi Ali al-Mahmoudi a dit avoir remis à une délégation française envoyée par Sarkozy de l’argent, beaucoup d’argent, des millions d’euros en liasses de billets, nous déclare-t-il. Il a des documents comptables. On ne remet pas des millions d’euros sans aucune signature. Il garde en mémoire les prénoms de la délégation française.» L’avocat a précisé dans la journée à l’Agence France Presse (AFP) que la remise d’argent avait eu lieu à Genève.

«Nicolas Sarkozy ne dit pas la vérité», accuse Slim Ben Othman, qui se dit à la disposition de la justice française. Selon lui, l’ancien premier ministre libyen détient de nombreux documents, placés en lieu sûr, attestant du financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Le coordinateur de la défense de l’ancien premier ministre, Mabrouk Korchid, évoquait, dès novembre 2011, quelques jours après l’audience de la cour d’appel, les «secrets d’Etat» que détenait Baghdadi. «Après la mort de Kadhafi, c’est le seul qui détient des secrets d’Etat au plan intérieur et en ce qui concerne les relations de la Libye avec certaines grandes puissances» déclarait-il.
Ezzedine Arfaoui, professeur de faculté à la droit de Tunis et avocat à la cour de cassation, était aussi présent ce jour-là. Lui aussi confirme la teneur des propos de Baghdadi Ali al-Mahmoudi: «il a en effet répondu par l’affirmative sur des relations financières spécifiques à la campagne présidentielle de Sarkozy.» 
Réagissant à la conférence de presse de jeudi des avocats tunisiens de Baghdadi Ali al-Mahmoudi, un avocat parisien, haute figure de la Françafrique, Marcel Ceccaldi, a convoqué à son tour les médias à Paris, à l’initiative d’un mystérieux gendre de l’ancien chef du gouvernement libyen. Il a tenté de désavouer ses confrères en se revendiquant d’un mandat de Baghdadi pour « démentir formellement les allégations » portant sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. « Marcel Ceccaldi n’est jamais intervenu dans cette affaire », a assuré un avocat tunisien à Mediapart.
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